Les vertus des fleurs et des graines de citrouilles
25/06/2008 06:33 par happy-halloween
Fleurs et graines de potiron, bon pour la santé
La citrouille est plus couramment consommée en Amérique du Nord et le potiron, en Europe. La citrouille contient une quantité particulièrement intéressante de caroténoïdes, des composés antioxydants. Malheureusement, elle est plus souvent utilisée comme élément de décoration pendant l’Halloween qu’apprêtée pour être consommée. Cette fiche traitera principalement de la citrouille et de ses graines. Il est à noter que les graines de citrouille et leur huile font l’objet d’une fiche dans la section Approches complémentaires. Les vertus Nutriments les plus importants : Vitamine A. La citrouille est une excellente source de vitamine A, principalement sous forme de bêta-carotène. La vitamine A est l’une des vitamines les plus polyvalentes, jouant un rôle dans plusieurs fonctions de l’organisme. Elle collabore entre autres à la croissance des os et des dents. Elle maintient la peau en santé et protège contre les infections. De plus, elle possède des propriétés antioxydantes et favorise une bonne vision, particulièrement dans l’obscurité. Phosphore. La citrouille est une source de phosphore. Le phosphore constitue le deuxième minéral le plus abondant de l’organisme après le calcium. Il joue un rôle essentiel dans la formation et le maintien de la santé des os et des dents. De plus, il participe entre autres à la croissance et à la régénérescence des tissus et aide à maintenir à la normale le pH du sang. Finalement, le phosphore est l’un des constituants des membranes cellulaires. Magnésium. Les graines de citrouille sont une source de magnésium. Le magnésium participe au développement osseux, à la construction des protéines, aux actions enzymatiques, à la contraction musculaire, à la santé dentaire et au fonctionnement du système immunitaire. Il joue aussi un rôle dans le métabolisme de l’énergie et dans la transmission de l’influx nerveux. Potassium. La citrouille est une source de potassium. Dans l’organisme, il sert à équilibrer le pH du sang et à stimuler la production d’acide chlorhydrique par l’estomac, favorisant ainsi la digestion. De plus, il facilite la contraction des muscles, incluant le coeur, et il participe à la transmission de l’influx nerveux. Fer. La citrouille et les graines de citrouille sont des sources de fer uniquement pour les hommes, les besoins en fer de la femme étant supérieurs à ceux de l’homme. Chaque cellule du corps contient du fer. Ce minéral est essentiel au transport de l’oxygène et à la formation des globules rouges dans le sang. Il joue aussi un rôle dans la fabrication de nouvelles cellules, d’hormones et de neurotransmetteurs (messagers dans l’influx nerveux). Il est à noter que le fer contenu dans les aliments d’origine végétale est moins bien absorbé par l’organisme que le fer contenu dans les aliments d’origine animale. L’absorption du fer des végétaux est toutefois favorisée lorsqu’il est consommé avec certains nutriments, telle la vitamine C. Zinc. Les graines de citrouille sont une source de zinc. Le zinc participe notamment aux réactions immunitaires, à la fabrication du matériel génétique, à la perception du goût, à la cicatrisation des plaies et au développement du foetus. Il interagit également avec les hormones sexuelles et thyroïdiennes. Dans le pancréas, il participe à la fabrication, à la mise en réserve et à la libération de l’insuline. Manganèse. La citrouille est une source de manganèse. Le manganèse agit comme cofacteur de plusieurs enzymes qui facilitent une douzaine de différents processus métaboliques. Il participe également à la prévention des dommages causés par les radicaux libres. Cuivre. La citrouille et les graines de citrouille sont des sources de cuivre. En tant que constituant de plusieurs enzymes, le cuivre est nécessaire à la formation de l’hémoglobine et du collagène (protéine servant à la structure et à la réparation des tissus) dans l’organisme. Plusieurs enzymes contenant du cuivre contribuent également à la défense du corps contre les radicaux libres. Vitamine B2. La citrouille est une source de vitamine B2, aussi connue sous le nom de riboflavine. Tout comme la vitamine B1, elle joue un rôle dans le métabolisme de l’énergie de toutes les cellules. De plus, elle contribue à la croissance et à la réparation des tissus, à la production d’hormones et à la formation des globules rouges. Acide pantothénique. La citrouille est une source d’acide pantothénique. Aussi appelé vitamine B5, l’acide pantothénique fait partie d’une coenzyme clé nous permettant d’utiliser de façon adéquate l’énergie tirée des aliments que nous consommons. Il participe aussi à plusieurs étapes de la fabrication des hormones stéroïdiennes, des neurotransmetteurs (messagers dans l’influx nerveux) et de l’hémoglobine. Vitamine C. La citrouille est une source de vitamine C. Le rôle que joue la vitamine C dans l’organisme va au-delà de ses propriétés antioxydantes; elle contribue aussi à la santé des os, des cartilages, des dents et des gencives. De plus, elle protège contre les infections, favorise l’absorption du fer contenu dans les végétaux et accélère la cicatrisation. Vitamine E. La citrouille est une source de vitamine E. Antioxydant majeur, la vitamine E protège la membrane qui entoure les cellules du corps, en particulier les globules rouges et les globules blancs (cellules du système immunitaire). S'il y a tant de fleurs sur un plant pendant la saison, pourquoi n'y a-t-il pas plus de fruits par plant ? Tous les plants de citrouille et de courge produisent des fleurs unisexuées (une expression de leur caractère monoïque). Ces fleurs naissent à l'aisselle des nœuds. Les fleurs mâles se forment et s'épanouissent en premier, de sorte que le pollen est prêt lorsque les fleurs femelles apparaissent. L'ordre dans lequel ces fleurs apparaissent et leur nombre varient quelque peu selon le moment de l'année, le stade de croissance du plant et le nombre de fruits déjà pollinisés qui commencent à grossir. Le développement des fruits réduit temporairement l'incidence de fleurs femelles dans la partie inférieure du plant. Citrouilles et courges sont relativement peu sensibles à la photopériode (longueur du jour) durant la saison d'été. Les fleurs femelles sont de courte durée. Les fleurs femelles de citrouille et de courge s'ouvrent le matin et se ferment quelques heures plus tard (24 heures tout au plus) pour ne plus jamais s'ouvrir par la suite. Si ces fleurs ne sont pas pollinisées, elles avortent et tombent au sol. En général, la fleur femelle est ouverte à partir d'environ 10 h jusqu'à environ 15 h. Fleurs mâle (à gauche) et femelle (à droite) Les fleurs mâles sont les premières à apparaître. On compte habituellement 10 fleurs mâles pour chaque fleur femelle. Les abeilles n'ont pas de préférence entre les fleurs mâles ou femelles. Il faut donc s'assurer de compter sur suffisamment de pollinisateurs. De même, la proportion de fleurs mâles augmente habituellement lorsque les plants sont soumis à un stress. La probabilité qu'une fleur soit pollinisée dépend du nombre d'abeilles présentes et du nombre de visites faites à chaque fleur. Si le temps est mauvais (froid ou pluvieux), il n'y a pratiquement pas de chance que les fleurs soient pollinisées correctement. Des graines aussi saines pour la santé Les graines de citrouille sont légèrement bombées, ovales, lisses, blanches et assez grandes : de 2 à 3 cm de long. elles contiennent une quantité élevée de phytostérols. Ces composés sont reconnus pour leurs bienfaits sur la santé cardiovasculaire et leurs effets potentiellement bénéfiques dans la prévention de certains cancers. De plus, les acides gras des graines de citrouille sont, dans une grande proportion, monoinsaturés et polyinsaturés, des types de lipides ayant des effets bénéfiques contre les facteurs de risque de maladies cardiovasculaires. Les graines de citrouille pourraient également être utiles pour soulager les symptômes de la vessie irritable (ou vessie hyperactive) et les troubles de la miction associés à l’hypertrophie bénigne de la prostate.




Le cheval
On voyait autrefois la nuit, dans la pâture de Lantouchais, située près du château de la Perdrilaye, commune de Pipriac, un cheval sellé et bridé.
D’où venait-il ? On ne l’a jamais su.
Les étrangers et les voyageurs, qui n’en avaient pas entendu parler, ou bien encore les jeunes insensés du pays, qui voulaient faire parade de leur bravoure, et qui le montaient, étaient emportés dans une course folle, vertigineuse, à travers bois et landes jusqu’au lever du jour. Ils rentraient chez eux anéantis, brisés.
Le curé de Saint-Just, informé de la présence de cet animal qui faisait des incursions dans sa paroisse, bénit une branche de coudrier et la donna à un cavalier habile, en lui disant d’aller, sans crainte, enfourcher le cheval sellé et bridé.
Le gars se rendit, à minuit, dans la pâture de Lantouchais où il rencontra ce qu’il cherchait. Il se dirigea vers la bête qui se laissa approcher et monter. Aussitôt dessus, il la fouailla de sa baguette.
Le cheval trembla des pieds à la tête ; puis il fit des bonds terribles, cherchant à jeter son cavalier par terre sans pouvoir y réussir. Il eut bientôt le corps couvert d’écume, ses jambes fléchirent, et, finalement épuisé, n’en pouvant plus, il tomba mort au pied d’un menhir.
Quand, le lendemain matin, on alla pour le voir, à l’endroit où il avait expiré, on ne l’y trouva plus. Le diable, qui devait être son compère, l’avait emporté, depuis cette nuit on ne l’a revu ni à Pipriac, ni ailleurs.
FIN
Les chats sorciers
Jadis les chats dont on avait point coupé le bout de la queue avaient coutume de s'assembler à jour fixe : on les voyait réunis au clair de lune sur quelque lande déserte, non loin des Roches-aux-Fées et des Pierres-Debout. Ils délibéraient, graves comme des prêtres à l'église, et personne n'aurait osé passer près d'eux et encore moins les déranger quand ils tenaient leurs réunions pleinières. On racontait à la veillée d'étranges et effrayantes histoires à des gens assez audacieux ou assez fous pour avoir voulu se mêler à leur société : les uns étaient morts subitement, d'autres avaient été si terrifiés de voir tous les chats darder vers eux leurs prunelles brillantes comme des charbons ardents et les regarder d'un air irrité que leurs cheveux étaient devenus blancs en une nuit, et ils tremblaient encore rien qu'en pensant aux assemblées nocturnes des matous.
Jean Foucault s'en revenait par une belle nuit de la foire où il s'était un peu attardé dans les auberges, parce que le cidre était bon cette année-là. Il était tout joyeux et marchait gaiement en chantant à tue-tête, lorsqu'au détour d'un chemin creux il aperçut tout à coup une nombreuse réunion de chats rangés autour d'une croix de pierre. Il y en avait de toutes les grosseurs, et de toutes les couleurs ; à la vue de tous ces matous, la voix du chanteur s'étrangla dans son gosier, et il se mit à trembler comme un homme qui a les fièvres, car les chats poussaient des miaulements irrités, voûtaient leurs dos souples où le poil se hérissait, redressaient leurs queues et le regardaient avec des yeux qui luisaient dans la nuit.
Sa terreur augmenta encore lorsqu'il vit le plus gros de la bande accourir vers lui : il ferma les yeux, s'attendant à être mis en pièces et récita son acte de contrition. Mais, au lieu de sentir les griffes du chat s'enfoncer dans sa chair, il s'aperçut que l'animal se frottait le long de ses jambes en faisant un ronron joyeux comme s'il avait eu envie d'être caressé. Jean Foucault ouvrit les yeux et reconnu son propre chat qui se mit à marcher devant lui, et qui tantôt le précédait, tantôt revenait vers lui et le caressait avec sa queue.
Quand Jean Foucault arriva avec son conducteur à l'endroit où était l'assemblée, les matous étaient assis tranquillement car le chat avait dit à haute voix à ses confrères : " Laissez passer Jean Foucault ".
FIN
Le fantôme des arbres
Dans l'ancien temps, il y avait un homme qui s'appelait Pâdîn Ruadh 0'CeaIlaigh et qui demeurait au pied de la colline du Petit-Nêifin. Il était marié, mais il n'avait pas d'autre enfant qu'une fille, qui était aveugle de naissance. Voici le nom que lui donnaient les voisins: Nora Dall (Nora l'aveugle), et ils avaient l'idée qu'elle avait des rapports avec les bonnes gens.
Pâidîn n'avait dans sa ferme que deux âcres de terre, et pour cette raison, il était très pauvre; il était dehors chaque nuit, qu'il fît humide ou sec, froid ou chaud, il ne savait pas ce qui l'attirait dehors, mais il était d'une nature remuante et il ne pouvait pas rester chez lui. Dans l'ancien temps, les gens croyaient que tous les pûca et les fantômes de la terre sortaient la nuit de Samhain pour détruire les mûres, et les gens n'auraient pas mis la moindre mûre dans leur bouche après cette nuit-là. Mais Pâidîn n'avait peur de rien au monde.
Une nuit de Samhain, Pâidîn sortit, comme il en avait l'habitude, et il marcha jusqu'à ce qu'il arrive à la hauteur d'une vieille cill (nom de l'enclos qui contient l'église et le cimetière). Il y avait un arbre élevé dans la cill. La lune était dans son plein et elle donnait une belle lumière; Pâidîn regarda en l'air et il vit un homme grand qui sautait d'arbre en arbre. Tous les cheveux qu'il avait sur la tête se dressèrent et une sueur froide commença à couler sur son corps; il ne pouvait pas mettre un pied devant l'autre. Le fantôme sauta à terre, s'arrêta devant Pâidîn et lui dit:
- N'aie pas peur de moi, je ne te ferai aucun mal ; tu as bon courage et je vais te montrer la troupe des fées de Connacht (Connaught) et de Mûmhan (Munster) en train de jouer à la balle sur le sommet de la colline du Grand-Nêifin.
II saisit Pâidîn par les deux mains, le jeta sur son dos comme une femme jette un enfant d'un an, sauta sur l'arbre et, en route, d'arbre en arbre, jusqu'à ce qu'il arrive au sommet du Grand Nêifin et qu'il dépose Pâidîn doucement et mollement au sommet de la colline. La troupe des fées de Connacht et celle de Mûmhan ne furent pas longues à arriver; elles se mirent à jouer à la balle en présence de Padraic et du fantôme, et jamais homme vivant n'avait vu une chose aussi amusante: Pâidîn riait tant qu'il pensa éclater. À la fin, le roi de la troupe des fées de Connacht s'écria:
- Hé ! fantôme des arbres, quelle est la troupe qui a gagné la partie?
- La troupe de Connacht, dit le fantôme.
- Tu es en train de dire un mensonge, dit le roi de la troupe des fées de Mûmhan, et nous allons combattre avant d'abandonner la partie aux gens de Connacht.
Ils commencèrent à combattre et ce n'était pas un combat pour rire qu'ils livrèrent, on brisa des crânes, des mains et des pieds et la colline fut rouge de sang. Le roi des fées de Mûmhan jeta un cri à la fin, et dit:
- Paix, je vous cède la victoire cette fois-ci, mais nous combattrons de nouveau la nuit de Bealtaine.
Alors le fantôme des arbres dit aux deux rois:
- Payez cet homme en vie que j'ai amené ici, vous n'auriez pas pu jouer à la balle sans lui.
- Tu dis vrai, dit le roi de la troupe des fées de Connacht, et il tendit une bourse d'or à Pâidîn.
- Je ne serai pas moins généreux que lui, dit le roi de la troupe des fées de Mûmhan, et il lui tendit une autre bourse, et en un tour de main, les deux troupes disparurent.
Alors le fantôme lui dit :
- Tu as pas mal d'argent maintenant, y a-t-il quelqu'autre chose que tu désirerais?
- Oui, en vérité, il y en a, dit Pâidîn : j'ai une fille qui est aveugle de naissance, et je voudrais bien qu'elle vît clair.
- Elle verra clair avant que le soleil ne se couche, demain soir, dit le fantôme, si tu suis mon conseil. Il y a un petit buisson qui croît sur la tombe de ta mère; prends-en une épine et enfonce-la dans la pustule qui est derrière la tête de ta fille, et elle verra aussi bien que toi; mais si tu racontes ton secret à n'importe quel homme vivant, elle deviendra aveugle de nouveau. Il est temps pour nous maintenant de nous en aller, car j'ai à te montrer ma demeure avant que tu ne retournes chez toi.
Alors, il prit Pâidîn des deux mains, il le jeta sur son dos et, en route, il ne s'arrêta pas jusqu'à ce qu' il le dépose sous le grand arbre, dans la cill, doucement et mollement. Puis il saisit l'arbre, le souleva et dit :
- Suis-moi.
Pâidîn entra et le fantôme tira l'arbre après lui; ils descendirent un bel escalier et arrivèrent à une grande porte; il ouvrit la porte et ils entrèrent. Quand Pâidîn regarda autour de lui, il vit bon nombre de gens qui étaient morts dans son voisinage, des années auparavant; quelques-uns souhaitèrent la bienvenue à Pâidîn et ils lui demandèrent quand il était mort :
- Je ne suis pas mort encore, dit Pâidîn.
- Tu plaisantes, dirent-ils, et s'il n'était pas vrai que tu es mort, tu ne serais pas ici au milieu de la troupe des trépassés.
Le fantôme s'approcha, et dit:
- Ne crois pas ces gens-là; tu as une longue vie heureuse devant toi; viens avec moi maintenant; il sera temps pour toi de retourner à la maison. Voici pour toi un petit pot, et n'importe quand tu auras besoin de nourriture, frappe trois coups sur la pierre et dis : « Nourriture et boisson, et gens de service », et tu auras tout ce que tu désires, mais si tu t'en sépares, tu t'en repentiras. Voici aussi pour toi un petit sifflet, et, n'importe quand tu seras en détresse, souffle dedans, et tu seras secouru, mais, sur ton âme, ne t'en sépare pas.
Là-dessus, il enleva Pâidîn ; il le laissa sur la route et lui dit:
- Sur ton âme, ne raconte à nulle personne vivante aucune des choses que tu as vues cette nuit.
Pâidîn alla chez lui, à la pointe du jour, et sa femme lui demanda où il avait passé la nuit.
- Je n'ai pas flâné, dit-il.
Il déposa le petit pot et il dit :
- "nourriture et boisson",
mais il avait oublié de frapper les trois. coups sur la pierre et il ne vint rien du tout; il se rappela alors, il frappa les trois coups et deux jeunes femmes sautèrent hors du pot, mirent la table, et dessus toutes sortes de choses à manger et à boire aussi bonnes que celles qui étaient sur la table du roi. Pâidîn et sa femme et Nôirîn Dall mangèrent et burent bien leur content et quand ils eurent fini, les jeunes femmes entrèrent dans le pot et Pâidîn mit la pierre dessus. Alors il dit à sa femme:
- Nôirîn ne sera pas longtemps aveugle, je vais la guérir sans retard, mais ne me demande pas de renseignements à ce sujet, car je ne puis pas t'en donner.
- Tu es en train de te moquer de moi, dit la femme, elle est aveugle de naissance.
- Attends à voir, dit Pâidîn.
Et le voilà sorti, et il ne s'arrêta pas qu'il ne fût arrivé au buisson qui croissait sur la tombe de sa mère; il trouva l'épine et vint à la maison; il saisit Nôirîn, il enfonça l'épine dans la pustule et elle s'écria:
- Je vois tout!
La mère se frotta les mains de joie et dit à Pâidîn :
- L'amour et la veine de mon coeur, c'est toi; tu es l'homme le meilleur qu'il y ait au monde.
Ensuite, il frappa trois coups sur la pierre du petit pot et dit:
-"Nourriture et service".
Ces mots n'étaient pas plus tôt hors de sa bouche que les deux femmes sortirent du pot; mirent la table devant Pâidîn, et dessus, toutes sortes de choses meilleures que celles qui étaient sur la table du roi ; ils mangèrent et burent, lui, sa femme et Nôirîn, tout leur content, et, quand ils eurent fini, les jeunes femmes mirent tout dans le pot, elles y entrèrent elles mêmes et Pâidîn mit la pierre sur le pot.
Le bruit se répandit que Pâidîn avait beaucoup de richesses, et tout ce qu'il désirait. Les gens furent remplis d'envie, et se dirent les uns aux autres qu'il n'était pas juste qu'il fût en vie, et ils formèrent un complot pour le tuer; mais il y avait parmi eux un ami; c'était le frère de la femme de Pâidîn, et celui-ci le prévint. Pâidîn mit le sifflet dans la bouche; il souffla dedans et peu de temps après, il entendit murmurer à son oreille:
- Sors, et prends les herbes qui sont dans ton jardin, au pied du mur ; manges-en et donne le reste à ta femme et à ta fille, et chacun de vous aura autant de fois la force d'un homme qu'il y a de cheveux sur vos têtes. Avec le maillet qui est sur le mur de ta maison, tu peux battre tout ce qu'il y a d'hommes dans la paroisse.
Au matin, le lendemain, les hommes et les femmes du village vinrent pour tuer Pâidîn ; ils l'appelaient Lorgadân et Fearsidh (homme-fée) et dirent que s'il ne sortait pas, ils brûleraient la maison par-dessus sa tête. Pâidîn vint à la porte, leur dit de s'en retourner chez eux, qu'il n'avait fait de tort à aucun d'entre eux; mais rien ne pouvait les satisfaire, sinon le meurtre de Pâidîn. Pâidîn saisit le maillet et la femme un manche de bêche et la fille un ribot de baratte et les voilà sortis; les gens qui étaient dehors autour de la. maison les attaquèrent, mais Pâidîn ne fut pas long à les mettre en déroute; il en laissa la moitié étendus par terre, et il ne lui causèrent pas d'autre désagrément à partir de ce jour.
Il est vrai, le dicton, qu'une femme ne peut pas garder un secret, et ce même dicton devint vrai alors; la femme de Pâidîn parla du petit pot à une autre femme; celle-ci le raconta à une autre, en sorte que l'histoire passa de bouche en bouche jusqu'à ce qu'elle arrive aux oreilles du seigneur de la terre: celui-ci vint trouver Pâidîn et dit:
- J'ai entendu dire que tu avais un pot merveilleux; montre le-moi.
Pâidîn lui montra le petit pot et alors le seigneur lui dit :
- Montre-moi la vertu qui est en lui.
Pâidîn frappa trois coups sur la pierre du pot et dit:
- "Nourriture et service."
Il n'avait pas plus tôt dit ces mots que les deux jeunes femmes sautèrent hors du pot et mirent la table avec de la nourriture et de la boisson dessus, devant Pâidîn et le seigneur.
- Par ma main, dit celui-ci, voilà un bon pot; il serait juste que tu me le prêtes un jour, car il y a des gentilshommes qui iront me rendre visite, un jour de la semaine qui vient.
Pâidîn réfléchit à ce qu'il ferait, et enfin il dit:
- Le pot n'aurait aucune vertu si je n'étais pas présent.
- Tu peux venir, et tu seras le bienvenu, dit le seigneur de la terre, mais sois bien habillé.
- Je le serai, dit Pâidîn, car il était fier d'être parmi les gentilshommes.
- Lundi matin sois à ma maison, et sur ton âme ne me manque pas de parole, dit le seigneur.
Le lendemain, Pâidîn acheta un nouveau vêtement complet et quand il l'eut mis, il avait si bon air qu'il s'en fallut de peu que sa femme et sa fille ne le reconnussent pas. Le lundi matin, il prit avec lui le petit pot et il alla à la maison du seigneur. Il y avait là une grande réunion de gentilshommes; le seigneur fit entrer Pâidîn et le petit pot dans le salon, et dit:
- Fais préparer de la nourriture et de la boisson que je voie s'il y en aura assez pour rassasier ces gentilshommes.
Pâidîn frappa trois coups sur la pierre du pot et dit:
- "Nourriture, boisson et gens de service."
Sur-le-champ, six jeunes femmes sautèrent ensemble hors du pot, elles dressèrent une belle table, et dessus il y avait à boire et à manger toutes sortes de choses meilleures les unes que les autres.
Le seigneur invita alors les gentilshommes; ils entrèrent et ils furent pleins d'admiration quand ils virent la belle table et tout ce qui était dessus; ils mangèrent et burent leur content, mais bientôt, un sommeil lourd s'empara d'eux tous et quand ils s'éveillèrent, le toit de la maison avait disparu sans qu'on sût ce qu'il était devenu. Le petit pot, le sifflet et les deux bourses d'or de Pâidîn avaient disparu, et il était aussi pauvre qu'il avait jamais été.
Pendant qu'il était plongé dans le sommeil de l'ivresse, un lorgadân était venu qui avait emporté le tout, et le malheur tomba sur Pâidîn parce qu'il n'avait pas gardé le secret de son ami, le fantôme des arbres.
FIN
La légende de la Roche-aux-Fées
Les Fées, au temps où elles vivaient , honoraient après leur mort ceux qui avaient fait quelque bien pendant leur vie, et bâtissaient des grottes indestructibles pour mettre leurs cendres à l'abri de la malveillance et de la destruction du temps, et dans lesquelles elles venaient la nuit causer avec les morts. Et l'on dit que leur influence bienfaitrice répandait dans la contrée un charme indéfinissable, en même temps que l'abondance et la prospérité.
C'est dans ce but et dans ces féeriques intentions qu'elles bâtirent la Roche-aux-Fées que nous avons dans un de nos champs.
Ces fées, dit-on, se partagèrent le travail : quelques-unes d'entre elles restèrent au lieu où devait s'élever le monument, en préparaient les plans et l'édifiaient ; les autres, en même temps, tout en se livrant à des travaux d'aiguille, allaient dans la forêt du Theil, chargeaient leurs tabliers de pierres et les apportaient à leurs compagnes ouvrières, qui les mettaient en place.
Mais elles ne comptèrent pas à l'avance ce qu'il leur en fallait. Or, il advint que le monument était terminé et que les fées pourvoyeuses étaient en route, apportant de nouveaux matériaux ; mais averties que leurs matériaux étaient inutiles, elles dénouèrent leurs tabliers, les déposèrent là où elles étaient quand l'avertissement leur parvint. Or, il y en avait dans la lande Marie ; il y en avait près de Rétiers ; il y en avait à Richebourg et dans la forêt du Theil. De là vient qu'on trouve dans tous ces endroits des pierres de même nature et provenant du même lieu que celles qui forment notre Roche-aux-Fées.
Depuis longtemps les fées ont malheureusement disparu ; mais le monument est resté. Dans les nuits, quand la bise souffle au-dehors, on entend comme des plaintes dans la Roche-aux-Fées, et l'on dit que ce sont les morts qui reposent là qui appellent les fées protectrices, et que ces plaintes se renouvelleront jusqu'à ce qu'elles soient revenues.
FIN
Le lièvre d'argent
Il y'a longtemps, un puissant roi vivait sur les côtes de Cornouaille. Sa femme était morte jeune, et il lui restait un fils unique et trois filles très belles. Au bout d'un certain temps, sa peine et sa douleur s'apaisèrent et il aurait vécu heureux et en paix si, dans la montagne voisine, n'étaient apparus trois géants.
Personne ne savait d'où ils venaient, mais ils étaient horribles et tout le pays tremblait devant eux. Et pour cause! Ils s'emparaient de tout ce qu'ils voyaient. Ils emportaient dans leur montagne vaches, chevaux, moutons, chèvres, charrettes et même quelquefois des gens.
Le roi ne trouva rien de mieux, pour se protéger d'eux, que de faire élever de puissantes murailles autour de son château et de poster des gardes dans tout le jardin. Ses filles n'avaient pas le droit de s'aventurer hors du château, afin de ne pas risquer de rencontrer ces géants. Elles n'avaient le droit de se promener que dans le jardin. Quant au fils, accompagné d'une escorte armée, il allait de temps à autre à la chasse dans la montagne. En vérité, ils menaient tous là une vie bien monotone, sans joie véritable, marquée uniquement par la peur et l'angoisse. Cela allait donc mal et cela empira encore. Un jour que le jeune seigneur revenait de chasse au château, il fut accueilli par des pleurs et des lamentations.
- Mon cher fils, se plaignit le seigneur, ta soeur aînée a disparu. Ses soeurs l'ont soudain perdue de vue dans le jardin, comme si la terre l'avait engloutie. Les géants l'ont sans doute emportée par quelque sortilège.
Le maître de ces lieux, malgré sa douleur, ne perdit pas la tête et fit doubler la garde du château et du jardin. Mais cela ne servit guère car, le mois suivant, la soeur cadette disparut à son tour. Comme elle passait la porte, elle disparut soudain aux regards de tous, comme si la terre l'avait engloutie.
De désespoir, le puissant seigneur breton maigrit et s'affaiblit de jour en jour. La plus jeune des soeurs ne s'aventurait même plus sur les marches de l'escalier du château. Elle ne sortait pas de sa chambre où on la surveillait à chaque pas. Pourtant, un mois plus tard, des pleurs et des plaintes résonnèrent à nouveau dans le château. Une nuit, la jeune fille disparut de sa chambre, comme si le vent l'avait emportée.
Son malheureux père en mourut de chagrin et le fils unique, Malo, ne mit plus un pied hors du château, se contentant d'y pleurer son père et ses soeurs. Au bout d'un certain temps, quand la solitude lui pesa, il partit à la chasse pour dissiper sa tristesse. Il marcha, marcha dans la montagne, il traversa des halliers, sans jamais rencontrer un animal ni un oiseau. Une fois seulement, il aperçut un lièvre dont la fourrure scintillait comme de l'argent.
- Eh! Ce serait dommage de tirer sur un lièvre aussi beau. Mieux vaudrait l'attraper et l'emporter au château pour le lâcher dans le jardin.
Le lièvre, comme s'il avait compris que le chasseur ne voulait pas l'abattre, le regarda en face sans bouger ni agiter les oreilles. Malo leva le bras qui tenait son filet. Il le brandit au-dessus du lièvre qui, d'un seul coup reprit vie, bondit, et s'enfuit pour s'arrêter un peu plus loin, semblant attendre.
Le lièvre se joua ainsi longtemps du jeune chasseur. Finalement, Malo en colère épaula son fusil et tira sur le lièvre d'argent. Mais celui-ci ne sembla pas atteint par les balles.
- Eh! Tu es le pire brigand que je connaisse! s'exclama le jeune homme furieux. Tu possèdes sans doute quelque pouvoir magique pour échapper ainsi à mon arme. Où me conduis-tu?
- Je ne t'ai conduit nulle part ailleurs qu'auprès de ta soeur aînée, déclara tout à coup le lièvre avec une voix humaine. Derrière ce buisson, tu trouveras le château où elle vit.
Sans perdre plus de temps à l'écouter, Malo courut vers sa soeur, oubliant sa rencontre avec l'étrange animal et la chasse elle-même. Il arriva devant une vieille forteresse, entourée d'énormes murailles. Il frappa à la porte derrière laquelle il entendit la voix de sa soeur bien-aimée.
- Qui est-ce ?
- Ton frère, Malo. J'ai fini par te retrouver, ma petite soeur !
Eperdue de joie, elle lui ouvrit et le serra dans ses bras. Puis elle soupira :
- Mon petit frère, j'ai peur pour toi. Mon mari va rentrer dans peu de temps et qui sait ce qu'il te fera ? Il n'est pas vraiment méchant, mais c'est un ogre sauvage. Il est capable de faire un repas avec six boeufs rôtis, et je ne sais jamais ce qui peut lui passer par la tête !
Malo se sentit effrayé, mais il n'en laissa rien paraître.
- Allons, il ne me mangera pas, plaisanta-t-il. Cache-moi quelque part, que je puisse voir comment tu vis ici. Et au matin, je m'en irai.
La soeur aînée cacha donc son frère dans un coin, derrière une rangée de gros tonneaux. Là-dessus, le géant ouvrit la porte et entra avec six boeufs. Il cria de loin :
- Femme, j'ai apporté notre dîner !
Il s'installa à table. Bien que taillé dans les troncs épais de plusieurs chênes robustes, son banc ploya sous son poids.
- J'ai soif, donne-moi donc un peu de vin, gronda-t-il.
La jeune femme prit un récipient d'argent, l'emplit de vin et le posa devant son époux. Le géant se désaltéra mais soudain, il s'écria :
- Pouah! Ce vin empeste l'homme. Dis-moi qui tu as caché là. Je veux le voir, sinon cela ira mal pour toi!
L'épouse du géant prit peur.
- Ah! Ah! Tu es donc là! s'écria le garçon.
Mais il eut tort de se réjouir trop vite, car le lièvre l'entraîna jusqu'au soir par monts et par vaux, à travers les broussailles et les taillis. A la tombée du jour, Malo soupira :
- Je vais passer la nuit ici, dans la montagne, et je continuerai demain.
- Pourquoi passerais-tu la nuit dans la montagne, alors que derrière ce buisson se trouve le château de ta soeur cadette ? proclama le lièvre à voix humaine.
Et tout se passa comme la veille. Le jeune homme arriva devant une vieille forteresse. Il frappa à la porte et, quand sa soeur reconnut sa voix, elle fut éperdue de joie. Elle l'embrassa, le caressa et soupira ensuite, comme
sa soeur aînée.
- Mon petit frère, j'ai peur pour toi. Mon mari va rentrer et qui sait s'il ne te fera pas de mal? II n'est pas vraiment méchant, mais c'est un géant puissant qui est capable de faire son repas d'une douzaine de boeufs, et je ne sais pas ce qui peut lui passer par la tête.
La soeur cadette cacha aussi son frère dans un coin, derrière une rangée de tonneaux, mais en vain! Quand le géant but son vin dans le récipient d'argent, il s'écria :
- Femme, ce vin empeste l'homme! Dis-moi qui tu caches ou cela ira mal!
Lorsque le géant apprit que le frère de sa femme lui avait rendu visite, il se calma et accueillit son beau-frère aimablement, bien que celui-ci trem-blât de tous ses membres. Quand il entendit que Malo poursuivait le lièvre d'argent depuis bientôt deux jours, il éclata de rire.
- Cesse de poursuivre ce lièvre. Mieux vaut demeurer auprès de ta soeur, dit-il.
- Sache, cher beau-frère, que je le poursuis moi-même depuis sept cents ans et que je n'ai pas encore réussi à l'attraper.
Mais, encore une fois, Malo ne se laissa pas convaincre.
- Peut-être que demain, la chance me sourira, répondit-il.
Ý
L'ogre détacha du mur un grand bec d'oiseau.
- Lorsque tu ne pourras plus faire autrement, beau-frère, sache que je viendrai à ton aide lorsque tu m'appelleras. Siffle dans ce bec d'oiseau et, où que je sois de par le monde, je me retrouverai à tes côtés.
Le jeune homme le remercia. Il se reposa puis, au matin, il prit congé de sa soeur et de son beau-frère.
Après une longue marche et une longue errance, Malo ne fut pas étonné de voir que le lièvre l'avait cette fois conduit chez sa plus jeune soeur. Elle se réjouit, comme les deux autres de le revoir, et son époux l'accueillit à bras ouverts. Mais quand Malo lui raconta qu'un lièvre d'argent l'avait conduit jusqu'ici après trois jours de poursuite, l'ogre sursauta si fort que les remparts de la vieille forteresse en tremblèrent.
- Sache, cher beau-frère, que je poursuis ce lièvre depuis mille ans sans avoir réussi à le rattraper. Il me semble toujours que je vais l'atteindre, mais il disparaît à mes yeux en fumée. En vérité, je ne l'ai pas vu depuis bien long-temps, et je pensais qu'il avait définitivement disparu. Ne te soucie donc pas de lui. Reste auprès de ta soeur qui se réjouit de ta présence. Rien ne te manquera ici.
- Ce serait avec grand plaisir, mais je veux encore tenter demain de l'attraper, répondit Malo. Alors, son beau-frère lui donna une boucle d'or et lui promit de lui venir en aide quand il la serrerait au creux de sa main.
Au matin, le coeur lourd, Malo prit congé de sa famille et repartit à la recherche du lièvre d'argent. Il l'aperçut, non loin de là, sous un buisson, qui semblait l'attendre. A nouveau, le lièvre l'entraîna à travers fourrés et halliers jusqu'à ce qu'ils atteignissent la mer immense.
- Enfin, je vais pouvoir t'attraper! se réjouit le chasseur, mais en vain!
Le lièvre bondit de la falaise dans la mer et courut à la surface comme sur la terre ferme, laissant derrière lui un sillage que Malo suivit des yeux tant qu'il le put.
Le malheureux jeune homme chercha désespérément une barque, mais le rivage était désert. Enfin, entre deux falaises, il aperçut une petite maison de pierre. Il y entra et là, assis derrière le volet, il trouva un vieux cordonnier.
- Bonjour, grand-père, l'interpella Malo. Dis-moi, je te prie, si tu n'as pas vu, il y a un instant seulement, passer un lièvre d'argent? Il m'a échappé et s'est enfui sur la mer comme s'il s'agissait de la terre ferme, en laissant derrière lui un sillage. Enfin, il a disparu, comme une sorte de brouillard.
- Je n'ai rien vu, répondit l'homme.
- Je le poursuis depuis trois jours dans les fourrés et les halliers, et je ne sais pas ce que je donnerais pour savoir où il est à présent, soupira Malo.
- Puisque c'est ainsi, je vais te donner un conseil, jeune seigneur. Tu risques de passer ta vie à poursuivre ce lièvre d'argent sans jamais réussir à l'attraper, car il ne s'agit pas vraiment d'un lièvre, mais de la fille ensorcelée du roi de Perse. Quant à moi, je suis son bottier. Chaque jour, je lui fabrique deux paires de bottes d'argent et les lui porte dans son palais.
- Grand-père, je t'offrirai tout ce que tu voudras si tu m'emmènes avec toi, supplia Malo.
- Je n'ai besoin de rien, mais tu t'attaques à une chose bien difficile, jeu-ne seigneur, répondit le bottier. Beaucoup de jeunes gens ont déjà perdu la vie en voulant délivrer la princesse. Quant à moi, je n'ai pas le droit d'aider quiconque à parvenir jusqu'au château, sinon je risque d'être pendu.
Malo n'écoutait déjà plus. Tout ce qu'il avait retenu, c'était que le bot-tier allait bientôt se rendre au château, et il ne cessa de le supplier de l'em-mener avec lui. Il jura de bien se cacher, lorsqu'il serait dans la forteresse et il promit qu'au cas où on le découvrirait tout de même, il ne dirait pas qui l'avait aidé à entrer, même s'il devait en perdre la vie. Bon gré, mal gré, le bottier finit par se laisser convaincre. II donna au jeune homme une cape qui le rendit instantanément invisible. Puis il se cacha lui-même sous un semblable vêtement. Il prit Malo sur son dos et l'emporta dans les airs. Ils volèrent ainsi comme le vent au-dessus de la mer immense et se dirigèrent tout droit vers le château du roi de Perse.
- Et maintenant, attention, jeune seigneur! chuchota le bottier à Malo.
- Marche derrière moi silencieusement si tu ne veux pas être découvert! Tant que tu portes cette cape sur tes épaules, tu demeures invisible, mais on pourrait tout de même t'entendre.
Le jeune chasseur invisible erra silencieusement dans le château. Il y vit beaucoup de trésors et de pierres précieuses à chaque pas, mais pas le moindre être humain. Le soir seulement, apparurent des quantités de serviteurs et de courtisans jeunes et vieux. Dieu seul sait d'où ils venaient.
A la tombée de la nuit, la princesse surgit de la mer et, sur-le-champ, tout se mit à briller dans le château, comme si l'étoile du soir était apparue dans le ciel. Mais le visage de la princesse ne montrait que tristesse, et des larmes brillaient dans ses yeux, pareilles à des pierres précieuses.
- Hier, j'ai vu mon bien-aimé pour la dernière fois, se plaignit-elle à sa vieille nourrice. Et je l'ai cherché en vain aujourd'hui.
La vieille femme la réconforta comme elle le pouvait.
- Ne te tourmente pas, jeune maîtresse, tu le reverras sans doute. Pour l'instant, tu ferais mieux de manger quelque chose et de te reposer. Tu as beaucoup couru de par le monde et tu es sans doute fatiguée.
Alors, la princesse se résigna à grignoter quelques mets choisis dans des plats de vermeil et Malo, en la regardant faire, se rappela qu'il avait faim. Quand tout fut calme et qu'il fut seul avec la princesse, il se décida à parler pour lui reprocher doucement :
- Belle princesse, tu t'es désaltérée et rassasiée, alors que la faim me tourmente.
La princesse faillit tomber d'étonnement et de peur.
- Qui es-tu? D'où viens-tu? demanda-t-elle. Je ne vois personne ici!
Malo ôta la grande cape qui l'enveloppait. Alors, il n'y eut plus face à face qu'un jeune et charmant chasseur et une belle princesse qui, par bonheur, se plurent.
Au matin, la princesse se présenta devant le roi.
- Mon bon père, tu sais que je dois partir courir dans les montagnes, mais dis-moi auparavant si je peux me marier, alors qu'il ne nous reste qu'une année de sortilège à supporter.
- Tu peux et tu ne peux pas, soupira le vieux roi, car personne n'a pu encore demander ta main. Tous ont péri en chemin.
Alors, la princesse persane conta à son père comment, jour après jour, un jeune chasseur l'avait poursuivie depuis les côtes de Cornouaille jusqu'ici et comment il l'avait retrouvée au-delà des mers.
- Ma fille, j'accepterai un tel jeune homme pour gendre avec plaisir. Que l'élu de ton coeur vienne ici. Nous attendrons ensemble la fin du sortilège. Mais il n'aura pas le droit de faire un pas hors de l'enceinte du château, tandis que tu continueras ta course de par le monde sous l'apparence d'un lièvre. Je te le dis: ce sera dur pour vous deux. Ton époux se languira de toi.
Malo accepta son sort, bien que cela ne fût pas facile. Il errait seul, tout le long du jour, dans le jardin. Il allait et venait dans le château et devait attendre que sa princesse revînt le soir, et se débarrassât de son apparence de lièvre d'argent pour redevenir une jeune et belle femme.
Au bout d'un moment, le jeune homme connut tous les recoins du château et l'impatience commença à le ronger. Son coeur souffrait quand il songeait à sa femme, errant à travers Dieu sait quels fourrés, à la merci de tous les dangers. Tandis qu'il allait et venait ainsi avec impatience d'une pièce à l'autre, il lui sembla un jour entendre un drôle de bruit. Il visita toutes les pièces, regarda dans la cour, fouilla le jardin, mais rien. Pourtant, au fond du jardin, le bruit lui parut plus fort et plus distinct. Alors, il oublia ce que lui avait recommandé sa femme le soir de leurs noces :
- Si tu demeures bien un an et un jour sans sortir du château ni du jardin, je ne me me transformerai plus jamais en lièvre et nous serons tous délivrés de ceÝ sort. Par contre, si tu poses ne serait-ce qu'un pied hors des remparts, nous serons tous perdus.
L'insouciant Malo voulut au moins savoir ce qu'il se passait derrière la face de la muraille. Il ouvrit donc le portail et vit que derrière, se tenait l'entrée d'un par souterrain. II entrouvrit la porte et aussitôt, il en jaillit un diable.
- Je te remercie, jeune seigneur, de m'avoir délivré. J'avais peur que tu ne viennes pas. A partir de maintenant, ton épouse est la mienne. Porte-toi bien, moi, je vais la retrouver! ricana-t-il.
- Eh! Attends un peu! hurla Malo plein d'effroi.
- Est-ce ainsi que tu me remercies de t'avoir délivré? Laisse-moi au moins dire adieu à ma femme. Pour cela, accorde-moi un seul jour!
- Comme tu voudras, admit le diable, je t'accorde un jour avec elle, mais souviens-toi que je viendrai la chercher demain à midi et que je l'emmènerai aussitôt.
Là-dessus, le diable se mit à souffler et retourna en enfer. La mort dans l'âme, Malo retourna au château. Pour un peu, il se serait arraché les che-veux de désespoir. Le soir, lorsque sa femme le vit, elle comprit qu'il se passait quelque chose de grave. Elle pâlit, comme si tout son sang l'avait quittée.
- Malo, mon époux, tu es sans doute sorti du jardin et tu as délivré le diable? demanda-t-elle.
- Pardonne-moi, ma chère femme, mais j'avais entendu un bruit, comme si les murailles allaient s'effondrer. Je ne me suis même pas rendu compte que je sortais du jardin. Je voulais seulement savoir ce qu'il se passait. Ne crains rien, je ne te donnerai pas à ce diable et je le renverrai dans les flammes de l'enfer.
Le lendemain à midi, le diable apparut au château.
- Où est la princesse persane? demanda-t-il à Malo.
- Elle est là, elle s'habille, répondit le jeune homme. Rends-toi sur le pré, devant le château, je te l'y conduirai.
Le diable fit ce qu'il lui disait et, quelque temps après, Malo le rejoignait ainsi que la princesse. Il n'avait pas encore passé la porte du château que le diable tendait déjà les bras. Mais Malo était malin et souffla vite dans la corne de chasse que lui avait offerte son beau-frère. Alors, tous les animaux à cornes accoururent des quatre coins du monde et s'attaquèrent au diable. Ils le piquèrent et le malmenèrent si bien que le diable en trépignait de douleur. Il finit par déclarer : "Je reviendrai demain!" Et il disparut.
Le jour suivant, quand le diable fit son apparition, Malo siffla dans le bec que lui avait donné son beau-frère et, à l'instant même, tous les oiseaux se précipitèrent sur le démon. Ils l'attaquèrent à coups de bec et faillirent bien lui crever les yeux. Ils l'auraient sans doute tué, s'il n'avait réussi à s'enfuir. Mais auparavant il répéta qu'il reviendrait le lendemain chercher la princesse.
- Ce sera la dernière fois! lui lança Malo, ensuite, ne reparais plus devant moi, ou bien tu ne repartiras pas vivant!
La troisième fois, le chasseur breton attendit le diable avec la boucle d'or de son beau-frère. Dès qu'il la serra dans sa main, tous les animaux à fourrure accoururent des quatre coins du monde. Ils attaquèrent le diable avec leurs crocs, leurs griffes et leurs défenses aiguisés. Le démon eut beau se défendre, ils ne le laissèrent pas s'enfuir tant qu'il n'eut pas signé de son sang vert la promesse qu'il ne ressortirait plus de l'enfer et laisserait désormais en paix la princesse persane.
Alors, le diable fut abandonné à demi mort quelque part et tout redevint comme avant le sortilège. Inutile de raconter comment la joie éclata de partout à l'annonce de cette délivrance. Le roi de Perse invita la noblesse du monde entier à se joindre à un formidable banquet qui dura trois années, au cours desquelles tous se réjouirent et se régalèrent. Les soeurs de Malo vinrent aussi, accompagnées de leurs maris, tous les trois également délivrés de leur sortilège et redevenus de beaux jeunes princes. Tous remercièrent Malo, et vécurent ensuite dans un bonheur complet.
Peut-être vivent-ils encore aujourd'hui, si la mort les a épargnés.
FIN
Des vampires ?
C'est quand même barbant tous les soirs à la même heure d'entendre les parents nous dire : "C'est l'heure d'aller se coucher" ou encore : "Allez ! au lit et que ça saute !!!" et tout ça sous prétexte que "demain il faut être en forme pour aller à l'école ; les enfants ont besoin d'être en forme pour grandir". J'y croyais vraiment, jusqu'à ce jour ou plutôt, jusqu'à cette nuit là.
Je viens de me réveiller en sursaut car dans mon rêve j'entendais un horrible hurlement lugubre. Le genre de hurlement qui fait trembler même les grandes personnes. Si bien que je suis terrifié.
- Maman, Papa, j'ai peur !!!
Pas de réponse. Je sors de mon lit ; sous mes pieds le sol est glacial. Je descends l'escalier dans le noir en me guidant avec la rampe jusqu'à la chambre de Maman et Papa. J'ouvre la porte en commençant à pleurer pour bien montrer aux parents que je ne les dérange pas pour rien et que j'ai vraiment peur.
A peine la porte ouverte, un terrible courant d'air froid me fait trembler. Dans la chambre, le lit des parents est vide, la fenêtre grande ouverte !!! Que ce passe-t-il ? Toujours grelottant je m'approche de la fenêtre. Dehors il n'y a rien sinon deux chauves-souris. J'ai trop peur... Je remonte en courant vers ma chambre.
A peine arrivé à la moitié de l'escalier, j'entends Maman qui m'appelle. Je me retourne, Ouf !!! elle est là, en bas de l'escalier. N'y tenant plus je me précipite dans ses bras en essayant, entre mes sanglots, de lui expliquer la grosse frayeur que je viens d'avoir.
- Calme toi, dit-elle en m'embrassant, ce n'est rien, tu as du faire un mauvais rêve. C'est fini, calme toi.
Le lendemain matin au petit déjeuner tout est redevenu normal, le chocolat est fumant sur la table avec les tartines grillées et la confiture de framboise que je préfère. Pourtant sur le chemin de l'école, en repensant au cauchemar de cette nuit, j'ai soudain un doute. Hier soir, Maman elle était tout habillée !!! En plein milieu de la nuit !!!
A l'école, après avoir gagné une super partie de chat-statue, j'ai complètement oublié mes peurs de la nuit. A la cantine comme Halloween approche, le chef cuisinier nous a préparé des tourtes à la citrouille parfumées à l'ail. C'était tellement bon, qu'après le repas je vais le voir pour lui demander la recette. Ca lui fait drôlement plaisir! Il rougit, bafouille et il me griffonne la recette sur un morceau de papier.
Le soir en rentrant à la maison je dis à maman comme le souper était bon et je lui donne la recette. Erreur fatale ! Au début elle me remercie d'une grosse bise sonore sur la joue et une seconde après elle me hurle dessus que l'ail est une cochonnerie et qu'elle et papa ne veulent surtout pas en voir ni même en parler à la maison et que de toute façon je vais à l'école pour travailler et pas pour y faire n'importe quoi.
Et puis en voyant qu'elle me fait de la peine, elle se reprend, "tu comprends, dit-elle, papa est allergique à l'ail c'est pourquoi je me suis fâchée. Pour me faire pardonner ce soir pour le dîner je te prépare un steak bien saignant avec des frites comme tu les aimes".
Cette nuit là je dors comme un ange, au réveil je suis en pleine forme sinon la vague impression d'avoir entendu pendant mon sommeil de drôles de choses. Quand j'arrive à l'école personne ne joue dans la cour, tout le monde ne fait que parler de cette étrange maladie qui fait mourir les animaux des campagnes voisines. Les vaches le soir se portent bien et le matin les fermiers les retrouvent mortes comme vidées de leur sang. Mais la campagne c'est loin d'ici, si tout le monde en parle c'est que la police est venue dans le quartier à cause d'un chien mort dans les mêmes conditions.
Cette nuit je me suis réveillé de nouveau à cause de ce hurlement déchirant, en bas j'entends un bruit bizarre. Silencieusement, je vais sur le palier et du haut de l'escalier je regarde en bas. Il y a papa et maman, ils ont l'air très fatigué. Papa sous sont bras porte un paquet bizarre qui ressemble à une peluche.
- Je les appelle : "Papa, Maman ?"
- Qu'est-ce que tu fait là ? veux-tu aller te coucher ! m'ordonne papa l'air embêté...
Je retourne dans ma chambre me coucher. Dans mon lit je n'arrive pas à m'endormir, je me pose trop de questions. C'était quoi cette peluche c'est pourtant pas mon anniversaire et puis les peluches je n'ai plus l'âge !
C'est décidé je veux savoir. Je descends l'escalier sur la pointe des pieds et m'approche de la porte de la chambre de papa et maman sans faire aucun bruit. Je me penche pour regarder par le trou de la serrure. Et là ! (qu'en j'y pense j'en tremble encore) je vois une chose horrible : sur le lit des parents il y a deux énormes chauves-souris en train de sucer le sang d'un pauvre chien. Sans le vouloir je laisse échapper un petit cri. Et aussitôt les chauves-souris se transforment en.... Papa et Maman.
J'ai juste le temps de remonter à ma chambre sans me faire voir. Quand papa entrouvre ma porte, je l'entends dire à maman : "tu es sûre que ce n'était pas lui ?"
Moi je fait semblant de dormir ; maman répond : tu vois bien, il dort comme un bébé tu as tort de t'inquiéter.
Les chauves-souris, l'allergie à l'ail, cette étrange maladie, les chiens et la peluche,...
Maintenant j'en suis sûr !!! Mes parents sont des vampires !!!
Et les vôtres ? Est-ce qu'eux aussi, ils insistent tous les soirs pour que vous alliez au lit ?
FIN
Le bossu
Il était une fois un pauvre homme qui vivait dans la gorge fertile d'Aherlow, au pied des montagnes sombres de Galtes. Sa bosse était immense, on aurait dit que son corps était roulé en boule et placé sur ces épaules ; sa bosse pesait tellement sur sa tête que lorsqu'il était assis il devait appuyer le menton sur ses genoux.
Le pauvre Digitalin, nommé ainsi parce qu'il accrochait toujours à son petit chapeau un brin de digitaline (fleur appelée également gantelet de bergère ou doigt de sorcière) souffrait de son infirmité car les paysans le craignaient, pourtant cette pauvre créature était aussi inoffensif qu'un enfant en bas âge nouveau-né, mais sa bosse était si grande qu'il ne semblait pas humain et on racontait à son sujet des flots d'histoires étranges. On dit qu'il était sorcier et qu'il connaissait les charmes. En fait, Digitalin était un artisan fort doué pour tresser la paille et le jonc dont il faisait des paniers et des chapeaux si beaux qu'ils se vendaient un penny plus cher que tous les autres.
Un soir Digitalin revenait de Cahir, une jolie petite ville, et regagnait sa demeure, il s'assit un moment près des anciens fossés de Knockgrafton pour soulager sa fatigue. Il s'endormit. Tard dans la nuit alors que la lune illuminait le ciel, il entendit monter des douves une musique fort belle, mais qui semblait d'un autre monde, une mélodie si prenante que le bossu écouta de toutes ses oreilles jusqu'à être lassé de l'entendre répéter.
Elle était comme le bruit de beaucoup de voix, chacun se mélangeant et se mélangeant avec l'autre tellement étrangement, qu'elles semblaient être une, et cependant toutes différentes. Les mots de la chanson étaient ceux-ci:
- Da Luan, Da Mort, Da Luan, Da Mort, Da Luan, Da Mort...
Ce qui veut dire en Irlandais : Dimanche, lundi, mardi...
Au bout d'un temps, la musique s'arrêta. Alors Digitalin se mit à chanter le même air, de plus en plus fort, "Da Mort, Da Luan, Da Mort, augus Da Cadine" (Dimanche, lundi, mardi et mercredi) et il s'entendit accompagner par des voix qui venaient de plus bas.
Les fées dans Knockgrafton, parce que la chanson étaient une mélodie féerique, furent enchantés des variations qu'il apportait à leur chant, elles décidèrent sur-le-champ d'attirer en leur compagnie ce mortel mieux doué qu'elles-mêmes pour la musique et un tourbillon transporta en un clin d'oeil le petit Digitalin parmi eux. Elle lui rendirent un juste hommage de son talent, elles lui firent fête et honneur comme s'il était le premier personnage du royaume.
Quelque temps après Digitalin remarqua un jour que les fées étaient en grande consultation autour de lui, ce qui ne manqua pas de l'alarmer, mais un des esprits se détacha des autres et lui dit :
- Digitalin Digitalin, ne doutez ni déplorez, pour la bosse que vous alésez
sur votre dos n'est plus! Regardez vers le bas sur le plancher, sur le sol gît votre bosse.
Digitalin se sentit soudain plus léger que d'habitude, et il fut pris d'une telle exaltation qu'il aurait pu sauter d'un bond jusqu'à la lune. Il regarda autour de lui, émerveillé ; pour la première fois de sa vie il pouvait lever la tête, et tout lui semblait de plus en plus beau.
Subjugué par la splendeur qui s'offrait à ses yeux, la tête lui tourna et sa vision se troubla. Il tomba alors dans un profond sommeil. Quand il en sortit, bien plus tard, il était large jour, le soleil brillait, les oiseaux chantaient. Digitalin se trouvait juste au pied du fossé de Knockgrafton; avec les vaches et les moutons. La première chose que fit Digitalin, après avoir dit ses prières, était de mettre sa main dans son dos pour sentir sa bosse, mais rien !!! Il était maintenant devenu un jeune homme pimpant et bien-formé ; de plus, il était entièrement habillé de nouveaux vêtements.
Vers Cappagh il est allé, faisant un pas dehors un pas en dedans, légèrement, comme si il avait été toute sa vie maître à danser.
A quelque temps de là, quand l'histoire de sa bosse se fut répandue dans la région, une vieille femme vint frapper chez lui pour demander les détails de sa guérison, à l'intention du fils d'une de ses amies, lequel était bossu aussi. Digitalin, de caractère aimable et confiant, ne se fit pas prier pour décrire son aventure.
La femme lui fit mille remerciements et s'en retourna chez elle. Elle rapporta à son amie le récit de Digitalin et elles se mirent en route avec le bossu vers l'ancien fossé de Knockgrafton. Or ce bossu, (il s'appelait Jack Madden), était depuis sa naissance un être geignard, irritable, mauvais et plein de ruse. Quand il entendit la musique des fées il fut si pressé de se débarrasser de sa bosse qu'il ne pensa pas instant qu'il devait attendre le bon moment pour essayer une variation, ni même se soucier de bien chanter. Il interrompit sans vergogne la musique des fées avec ses braillements, "augus Da Cadine, augus Da Hena" (et mercredi, et jeudi), pensant que là où il en est passé un, deux passeront mieux, et que si Digitalin avait reçu un habit neuf, on lui en donnerait deux.
Un tel comportement provoqua la colère des fées. Elles traînèrent violemment Jack Madden au fond de la douve et l'entourèrent avec force cris et hurlements : "qui a abîmé notre chanson, qui a abîmé notre air".
- Jack Madden! Jack Madden! Vos mots sont venus si mauvais dans l'air heureux que nous nous chantions ; vous êtes si mauvais dedans, que votre vie nous pouvons attrister : voici deux bosses pour Jack Madden!
Après l'avoir battu, vingt fées les plus robustes fixèrent la bosse de Digitalin par-dessus la sienne, aussi fermement que si des maîtres charpentiers l'avaient clouée avec des clous en or.
Puis les fées jetèrent l'infortuné hors de leur demeure à grands coups de pieds. Au matin les deux femmes le trouvèrent à demi mort, les deux bosses sur le dos.
Jack Madden est mort peu après, laissant sa lourde malédiction à toute personne qui irait écouter des airs féeriques.