Conte : Le ver et le potiron
25/12/2007 10:49 par happy-halloween
Le ver et le potiron
Dans un énorme potiron vivait Gidéon le ver luisant, qui s'ennuyait très fort dans ce potiron tout rond. Il vivait caché, se nourrissait de chair orangée, enfermé dans le noir...
Tout l'ennuyait et comme il mangeait, mangeait tout le temps, il grossissait, grossissait énormément. Et il se cachait Gidéon pour cacher son désespoir. Quant au potiron, il se vidait en riant tout en se demandant ce qui le chatouillait autant.
Dans le potager, les autres cucurbitacées le trouvaient un peu dérangé. Elles disaient qu'il ne tournait vraiment pas rond ce potiron. Mais, s'interrogeaient les légumes, a-t-il perdu la raison? Et notre potiron en était tout vexé.
Gidéon, qui malgré tout l'aimait beaucoup, décida de le venger. Il devint sculpteur et travailla avec beaucoup d'ardeur. Il se mit à creuser, à creuser... Et au fur et à mesure qu'il se trouait, le potiron se demandait pourquoi tout le monde le regardait. S'il avait eu une mare pour se mirer, il aurait pu voir son visage se dessiner; un nez, une bouche dentelée, des yeux écarquillés...
Quand son travail fut achevé, Gidéon téléphona à ses cousins qui habitaient loin, très loin. Il les invita à venir le voir car il ne broyait plus du noir. Quand minuit sonna ils firent une samba drôlement marrante et terriblement effrayante. Dans le potager, tous les vers luisants, famille, amis de Gidéon, se rassemblèrent dans le potiron et l'éclairèrent de l'intérieur. Les autres légumes tremblaient de peur, devant ce potiron rieur.
Et depuis, plus personne ne se moque de lui. Gidéon ne connaît plus l'ennui car il a trouvé un ami.
FIN
Cabillaud au curry et potimarron
Ingrédients qu'il vous faut pour 4 personnes :
Réalisation
- Epluchez et découpez le potimarron en dés.
- Plongez-les dans de l’eau bouillante salée et laissez cuire pendant 15 min.
- Egouttez-les et mettez-les dans une poêle sur feu doux, avec 1 cuil. à soupe d’huile d’olive pendant 5 min.
- Faites dorer les dos de cabillaud dans une autre poêle, avec 1 cuil. à soupe d’huile d’olive et 1 noisette de beurre, pendant 8 min env. Salez, poivrez et réservez.
- Dans la même poêle, faites fondre le beurre restant, ajoutez la pâte de curry et la moitié de la coriandre. Remuez avec une cuillère en bois.
- Délayez avec le lait de coco et laissez cuire env. 5 min, jusqu’à obtention d’une sauce crémeuse.
- Répartissez dans les assiettes le cabillaud, le potimarron, nappez de sauce curry-lait de coco.
- Décorez avec le reste de coriandre ciselée et quelques baies roses concassées.
- Dégustez aussitôt.
Lasagnes de courge
Ingrédients qu'il vous faut pour 4 personnes :
Réalisation
- Préchauffer le four à 180°.
- Préparer votre béchamel maison.
- Blanchir la courge 3 minutes dans le bouillon.
- Beurrer un plat à four.
- Disposer une couche de pâte au-dessus. Recouvrir de béchamel, de lamelles de courges et de jambon.
- Poursuivre jusqu’à épuisement des ingrédients.
- Terminer par de la béchamel et saupoudrer de fromage râpé.
- Cuire 45 minutes au four à 180°.
Pâtissons gratinés
Ingrédients qu'il vous faut pour 4 personnes :
Réalisation
- Faire cuire les pâtissons dans de l’eau bouillante 20 min env., égouttez-les et laissez-les refroidir.
- Préchauffez le four à 180 °C (th. 6).
- Hachez grossièrement les filets de volaille, salez et poivrez.
- Coupez la tête des pâtissons, évidez-les à la cuillère en évitant de percer la peau. Otez les pépins et hachez la pulpe grossièrement.
- Mélangez-la au hachis de volaille, ajoutez les brins de sarriette, la crème liquide et le parmesan, remuez bien.
- Garnissez les pâtissons évidés avec cette farce.
- Disposez-les dans un plat à gratin avec leur chapeau, ajoutez 4 cuil. à soupe d’eau et et recouvrez d’une feuille d’aluminium.
- Laissez cuire 15 min env. Ajoutez éventuellement de l’eau en cours de cuisson si elle s’est évaporée.
La clinique
– Allô, je suis bien à la Clinique de la Forêt ?... Ah, ici c'est M. Duval. J'appelle à propos de mon épouse qui est venue à la clinique cet après-midi, pour rendre visite à sa tante Mme... Ah, d'accord...
Franck Duval, un grand brun mince, la trentaine entamée, se tenait debout dans le séjour de son appartement, le combiné du téléphone collé à l'oreille, l'air très anxieux. Il venait d'avoir affaire à une première employée de la clinique qui l'avait coupé pour lui annoncer qu'elle allait lui en passer une autre.
Très peu de temps après, il reprit :
– Allô, je suis M. Duval, Franck Duval, et j'appelle à propos de mon épouse qui...Ah, d'accord...
Franck soupira : on allait encore lui passer une autre personne.
Ne pouvant réprimer complètement son agacement, il recommença bientôt :
– Allô ! j'appelle à propos de mon épouse qui est venue cet après-midi voir sa tante, Mme Lucie Lejeune, qui se trouve dans votre clinique depuis environ deux semaines, et...
Franck s'interrompit pour écouter son interlocutrice, une femme au ton paisible. Et lorsqu'elle eut terminé, il la remercia d'une voix étranglée, et raccrocha.
Elle venait de lui annoncer que Mme Lejeune n'avait reçu aucune visite dans l'après-midi. Franck regarda machinalement sa montre. Éliane, son épouse, était partie de chez eux vers 14 h. Elle devait juste rendre visite à sa tante à la clinique, comme elle l'avait déjà fait deux fois en deux semaines, et rentrer aussitôt. Elle aurait donc dû être de retour à l'appartement au plus tard pour 17 h. Or, il était presque 21 h ! Franck ne l'imaginait pas traînant sur les routes, d'autant que l'on avait annoncé une tempête pour la nuit.
Où pouvait-elle donc bien se trouver ?
Franck tourna en rond dans le séjour, puis, n'y tenant plus, il décrocha de nouveau le téléphone et rappela la clinique. Il eut cette fois directement son interlocutrice de tout à l'heure. Et comme il lui demandait si Mme Lejeune était bien encore hospitalisée à la clinique, elle le pria de rappeler le lendemain matin, car seul le Dr Laudrac qui n'était pas disponible pour l'instant, pouvait lui fournir des informations à ce sujet.
Franck trouva la réponse insolite, et ne s'en cacha pas ; mais jugeant qu'il ne tirerait rien de plus de son interlocutrice qui ne se départait d'ailleurs pas de son ton apaisant, il raccrocha.
Il se demanda alors s'il ne devait pas appeler la police ; a priori, Éliane avait disparu. Mais il décida de patienter, du moins jusqu'au lendemain matin, jusqu'à ce qu'il ait eu affaire au Dr Laudrac.
Il ne réussit pas à dormir de la nuit ; d'abord à cause de l'état d'anxiété dans lequel l'absence d'Éliane le plongeait, mais aussi du fait que le vent souffla avec une rare violence.
Au petit matin, dans un état semi-comateux, il rappela la clinique. D'une voix douce, une personne qui était apparemment la même que la veille, lui annonça qu'il était encore trop tôt, qu'il faudrait rappeler plus tard. Il était en effet 8 h, aussi Franck demanda-t-il à quelle heure le Dr Laudrac serait à la clinique. Toujours d'un ton doucereux, son interlocutrice lui répondit tranquillement qu'elle ne le savait pas.
Franck sentit aussitôt la colère le gagner, et demanda quand est-ce qu'on allait enfin se décider à cesser de se foutre de lui ! Sans s'offusquer de cette soudaine perte de sang froid, l'employée de la clinique dit qu'elle était désolée, mais qu'elle n'avait pas connaissance de l'emploi du temps du Dr Laudrac.
Alors, pour Franck, il ne restait plus qu'une chose à faire : se rendre à cette fichue clinique, et voir sur place. Il but tout d'abord un grand bol de café très fort, et prit une douche froide.
Un quart d'heure plus tard, il était au volant de sa voiture. Il quitta assez rapidement la ville, et roula en pleine campagne. La tempête de la nuit n'était pas encore vraiment calmée, et les arbres alentour balançaient dangereusement.
Franck ne comprenait vraiment rien à ce qui lui arrivait. Éliane et lui menaient une existence paisible, en parfaite harmonie. Une soudaine fugue de sa part était invraisemblable. Il était vrai qu'il y avait quand même eu récemment une ombre dans leur vie : la terrible dépression dans laquelle avait sombré la tante d'Éliane après le décès de son mari, et sa tentative de suicide.
C'était d'ailleurs cet acte désespéré qui l'avait conduite à la Clinique de la Forêt, un établissement jouissant par ailleurs d'une excellente réputation. Pourtant, Éliane était revenue abattue les deux fois où elle avait rendu visite à sa tante, et avait confié à Franck qu'elle s'inquiétait à cause du traitement lourd qu'on lui administrait. Mais de là à imaginer que cela aurait pu la conduire à disparaître !
Franck arriva bientôt à un croisement où était indiquée la direction de la clinique. Il s'engagea alors sur une route traçant une longue ligne droite à travers des champs. Il lui fallut rouler un bon moment avant d'apercevoir des arbres au loin, tandis que le vent qui soufflait toujours très fort, faisait tanguer sa voiture. Le ciel était incroyablement bas, chargé de gros nuages ; tout alentour était gris, même les champs.
Mais quand Franck commença à traverser la forêt qui avait donné son nom à la clinique, il dut carrément allumer ses phares, car les arbres de bonne hauteur qui cernaient la route, annihilaient complètement le peu de lumière que ce jour de cafard voulait bien diffuser avec parcimonie. Il arriva toutefois assez vite à une large clairière où se dressait un petit immeuble blanc de trois étages.
Il dut s'arrêter, car une grille très haute coupait l'accès à l'immeuble. Il y avait une guérite près de la grille, et très rapidement, un homme en sortit. Il avait le crâne rasé et était bâti comme une armoire à glace, mais le large sourire qui illuminait son visage, donna tout de suite confiance à Franck. L'homme s'approcha tranquillement de sa voiture, engoncé dans un épais blouson au col de fourrure.
Franck baissa sa vitre, et l'autre se pencha.
– Je suis M. Franck Duval, et j'ai rendez-vous avec le Dr Laudrac, déclara Franck avec assurance.
– Je vais vérifier, fit l'autre d'une voix douce qui tranchait avec son aspect.
Franck n'attendit pas très longtemps, et vit la haute grille commencer à s'ouvrir automatiquement. Rassuré par la tournure que prenaient les événements, il entra avec confiance dans la cour de la clinique. Des lignes blanches avaient été tracées sur le bitume, juste en face de larges portes vitrées, pour indiquer où l'on pouvait se garer. Franck n'eut que l'embarras du choix, car curieusement il n'y avait aucune autre voiture, alors que l'on approchait de 9 h.
Il se gara et sortit de sa voiture. Il poussa l'une des portes vitrées, et se retrouva dans un vaste hall d'une propreté irréprochable. On n'avait pas lésiné sur le désinfectant, et l'on en ressentait des picotements au nez. Au fond du hall, se tenait assise derrière un comptoir, une jeune femme rousse aux cheveux frisottants, portant une blouse blanche. Elle regarda Franck s'approcher, en le congratulant d'un sourire engageant.
Celui-ci posa ses deux mains bien à plat sur le comptoir, autant pour se concentrer sur ce qu'il allait dire, que pour parer de cette façon à un éventuel mouvement d'humeur.
– Que puis-je pour votre service ? demanda la jeune femme d'une voix douce.
De toute évidence, c'était la personne avec qui Franck s'était énervé au téléphone.
– Je voudrais rencontrer le Dr Laudrac, dit-il.
Sans quitter son sourire, la jeune femme répondit :
– Le Dr Laudrac n'est pas à la clinique pour l'instant.
Franck s'efforça de rester calme malgré son grand bol de café fort, et la fatigue nerveuse résultant de sa nuit blanche.
– Et quand sera-t-il là ? demanda-t-il en modérant son ton.
– Je ne sais pas, répondit tranquillement la jeune femme.
– Bon, fit Franck, et est-ce que vous pourriez m'indiquer si Mme Lucie Lejeune se trouve toujours à la clinique ?
Toujours charmante, la jeune femme répondit :
– Il faudrait poser cette question au Dr Laudrac.
– Bon, fit encore Franck, et est-ce que vous pouvez me dire maintenant, si mon épouse, Mme Duval, est bien venue voir Mme Lejeune hier après-midi ?
Plus souriante que jamais, la jeune femme dit :
– Mais, monsieur Duval, je pense qu'on vous a déjà répondu à ce sujet, lorsque vous avez téléphoné hier soir.
Franck ne réussit plus à garder son flegme.
– Oui, seulement, je doute que ce qu'on m'a dit soit exact ! lâcha-t-il brusquement.
La jeune femme perdit d'un coup son sourire ; mais avec cependant toujours une voix douce, elle dit :
– Mais, monsieur Duval, je vous en prie, ne m'agressez pas.
– Je ne vous agresse absolument pas ! fit Franck.
– Mais si, vous êtes très agressif. D'ailleurs, tout à l'heure, au téléphone, vous avez été insultant.
– Pas du tout ! Je n'ai insulté personne. Par contre, ça fait deux jours que dans cette maudite clinique, on se fiche ouvertement de moi ! Alors ça suffit !
La jeune femme se leva brusquement, puis portant ses deux mains à sa poitrine, elle dit d'une voix oppressée :
– Monsieur, je vous en supplie, calmez-vous. Vous êtes très perturbé...oui, très agité...
– Mais dites tout de suite que je suis cinglé ! s'exclama Franck.
– Allons, allons, du calme s'il vous plaît, fit quelqu’un.
Franck se retourna, et vit venir vers lui cinq individus entièrement vêtus de blanc. Ils étaient à peu près taillés comme l'homme de la guérite, et leurs visages ronds et souriants inspiraient également confiance.
– Que se passe-t-il donc ? demanda le plus grand des cinq.
Aussitôt la jeune femme intervint :
– Il m'a agressée, et a même tenté de me frapper ! s'écria-t-elle.
– Mais c'est faux, entièrement faux ! s'exclama Franck.
Les cinq hommes en blanc s'approchèrent de lui, et deux d'entre eux lui saisirent chacun un bras. Ils étaient toujours très souriants, mais compte tenu de la pression qu'ils exerçaient sur chacun de ses bras, Franck commença à paniquer.
Il tenta de se dégager, en criant :
– Vous n'avez pas le droit de me retenir de cette façon !
– Mais bien sûr, fit le plus grand des cinq individus ; seulement, vous avez besoin de repos, vous êtes effectivement très agité.
– Vous n'avez pas le droit ! cria encore Franck qui ne parvenait pas à libérer ses bras. Je demande à voir le Dr Laudrac !
Arriva alors un individu petit et frêle, portant des lunettes rondes, et vêtu d'une grande blouse blanche.
– Je suis le Dr Jansen, l'assistant du Dr Laudrac, annonça-t-il. Que vous arrive-t-il donc, cher monsieur ?
On lâcha enfin les deux bras de Franck qui commença à expliquer :
– Mon épouse est venue hier après-midi, rendre visite à sa tante, Mme Lucie Lejeune, qui est hospitalisée dans cette clinique depuis deux semaines environ.
Le Dr Jansen hocha la tête, et Franck poursuivit :
– Or, elle n'a pas regagné notre domicile depuis...
Le Dr Jansen le coupa :
– Je comprends très bien votre tracas, cher monsieur, d'autant que Mme Lejeune n'a reçu aucune visite hier après-midi.
– Mais c'est impossible ! hurla presque Franck.
– Je confirme ce que j'ai dit, reprit tranquillement le Dr Jansen. Elle n'a reçu aucune visite ; ni hier après-midi, ni un autre jour, d'ailleurs.
– Mais vous mentez !
– Suffi ! ordonna le Dr Jansen. Vous avez agressé verbalement et même menacé physiquement l'employée de la réception. Vous représentez un réel danger pour notre société ; nous avons donc le devoir de la protéger de vos agissements.
– Mais, vous n'avez pas le droit ! s'exclama Franck. Qu'est-ce que c'est que ce traquenard ? Je veux voir immédiatement ma femme ! Vous n'avez pas le droit de la retenir ici contre son gré ! Ni d'ailleurs sa tante que vous gavez de médicaments !
– Conduisez-le à la chambre 25, elle est libre ! ordonna avec colère le Dr Jansen.
Les deux hommes en blanc de tout à l'heure saisirent de nouveau les bras de Franck qui se débattit aussitôt. Il finit par lancer son pied contre un troisième qui voulait l'attraper à son tour.
– Attention, il est très dangereux ! s'écria celui-ci.
Puis, avec ses deux collègues restants, il se rua sur Franck. Celui-ci ne put résister longtemps, et se retrouva bien vite plaqué au sol, avec la veste dont il s'était vêtu réduite en charpie.
– Amenez la camisole ! s'exclama le Dr Jansen.
Franck qui ne voyait plus rien de ce qui se passait, eut l'impression que d'autres individus étaient arrivés en renfort, et bientôt il fut emprisonné dans une sorte de veste qui empêchait tout usage de ses bras. Alors, ne voyant plus que du blanc tout autour de lui, il fut soulevé, puis emmené.
Le Dr Jansen se dirigea vers la réception. L'employée était de nouveau assise, et remplissait un formulaire, totalement détachée des événements.
– Vous n'avez pas eu trop peur, mon petit ? demanda le Dr Jansen, d'un ton paternel.
L'employée le regarda et soupira :
– Si, il faut dire qu'il est particulièrement violent.
Le Dr Jansen acquiesça de la tête.
– Oui, c'est un cas très lourd. Heureusement que le Dr Laudrac va le prendre efficacement en charge.
Puis avant de quitter la réception, il dit :
– Appelez donc le vigile pour qu'il s'occupe du véhicule de notre nouveau patient.
– Je l'appelle tout de suite, dit la réceptionniste.
Cette nuit-là
Franck sortit d'un sommeil lourd. Il avait des nausées et un horrible mal de crâne. Il eut tout d'abord l'impression d'être paralysé. Mais au bout de quelques secondes, il se rendit compte qu'il était en fait solidement attaché sur ce qui devait être un lit au moyen de sangles. Il les sentait serrées contre son front, sa poitrine, son abdomen, ses jambes et mêmes ses chevilles.
Il était ainsi totalement immobilisé de la tête au pied. Il avait par ailleurs l'impression d'être complètement nu. Il se rappela ce qui s'était produit avant qu'il ne s'endorme : son arrivée à la clinique, et la façon avec laquelle on l'avait entièrement neutralisé. A ce propos, il se souvenait de la douleur qu'il avait ressentie lorsqu'on l'avait piqué sans ménagement à la fesse après l'avoir délesté de son pantalon.
Il avait ensuite très vite sombré dans l'inconscience. Il se doutait maintenant de ce qui était arrivé à sa femme. Elle avait également été kidnappée par l'équipe du Dr Laudrac. Mais pourquoi ? Dans quel but ?
Dans la pièce exiguë et surchauffée où il se trouvait, se répandait une lumière blafarde. Soudain une porte s'ouvrit, et Franck vit apparaître un individu mesurant au moins deux mètres qui se pencha légèrement vers lui. L'individu était vêtu d'une blouse aussi blanche que son épaisse chevelure qui était peignée en arrière. Son visage était creux et d'une incroyable pâleur.
L'individu se mit à parler d'une voix caverneuse :
– Eh bien, vous êtes réveillé, très cher ami. Je me présente, je suis le Dr Laudrac ; le Dr Laudrac qui vous accueille avec grand plaisir dans sa clinique.
Aussitôt, Franck sentit le lit se soulever de l'arrière, et il s'approcha ainsi petit à petit du Dr Laudrac qui s'était redressé. Il fut bientôt debout, face au médecin, pareil à une momie en exposition dans son sarcophage.
– Ah, que je vous dise, reprit le Dr Laudrac, pour être complètement admis dans notre chère clinique, il faut tout d'abord vous prêter à un petit rituel. Oui, je vais devoir vous embrasser dans le cou.
Franck tressaillit, d'autant que les lèvres du Dr Laudrac lui apparurent d'un coup très rouges, comme d'ailleurs ses yeux.
Et lorsqu'il posa sur son cou une main décharnée dont les doigts étaient prolongés par de très longs ongles d'un blanc nacré, Franck qui était maintenant inondé de sueur, se mit à hurler, car le docteur commença à sourire légèrement, découvrant ainsi deux canines incroyablement acérées. Mais le cri de Franck se mua en un horrible et sinistre gargouillis, aussitôt après que le Dr Laudrac eut planté ses canines dans sa gorge, et commencé à aspirer goulûment son sang.
Lorsque le médecin fut rassasié, il se recula, et le lit de Franck commença à pivoter lentement vers l'arrière. Bientôt, Franck reposa immobile, raide, exsangue ; n'ayant gardé comme souvenir du baiser du Dr Laudrac, qu'une tache noirâtre sur sa gorge. Quant au médecin, il se tenait droit, le corps tremblant, abandonné tout entier à l'espèce d'orgasme qu'avaient fait naître en lui les litres de sang chaud dont il s'était abreuvé avec délectation.
Ce fut une exclamation qui le tira brusquement de son état d'extrême plaisir.
– Franck, mais tu es parmi nous !
Le médecin se tourna aussitôt vers une jeune femme aux cheveux noirs, à la peau blême, vêtue d'une grande chemise de nuit d'un blanc immaculé.
– Oui, très chère Eliane, notre Franck nous a rejoints, déclara le docteur en souriant, découvrant ainsi ses canines ensanglantées.
La jeune femme sourit à son tour, montrant des canines aussi acérées que celles du Dr Laudrac, mais d'une grande blancheur.
Puis elle regarda le cadavre allongé sur le lit, avec dans ses yeux rougeoyants, une véritable flamme de joie.
– Franck, parmi nous ! fit-elle encore.
– Enfin, presque, fit le Dr Laudrac. Il ne le sera vraiment que la nuit prochaine, lorsque sera terminée la phase transitoire, par laquelle doit passer tout vulgaire cadavre avant de devenir l'un des nôtres.
– Oh, Franck ! s'exclama d'un coup une autre voix féminine.
Entra alors dans la chambre, une femme d'une cinquantaine d'années aux cheveux gris, vêtue également d'une grande chemise de nuit blanche.
– Oui, ma tante, c'est bien lui, fit la jeune femme brune.
– Ah ! fit le médecin, je vois que ce sont les grandes retrouvailles.
– Oh, oui! fit la femme aux cheveux gris en souriant, découvrant elle aussi des canines acérées.
– Bon, je vais vous laisser avec notre cher Franck, dit le médecin. Mais prenez garde au lever du jour, regagnez vos lits avant.
Puis manifestement très ému, le Dr Laudrac poursuivit :
– C'est vraiment pour moi toujours un grand moment de bonheur, d'accueillir un nouveau patient. Même si parfois il faut un peu insister pour le convaincre des bienfaits de notre établissement. Ainsi, vous, chère Lucie, on peut dire que vous avez accepté d'entrer dans notre petite communauté sans vous faire prier. Pour Éliane, ça a été un peu plus difficile. Et pour Franck, il a fallu franchement le forcer, pour son plus grand bien, évidemment. Mais qu'importe, la nuit prochaine, lorsqu'il sera vraiment l'un des nôtres, nous ne lui en tiendrons pas rigueur, et il aura sa place comme chacun d'entre nous dans notre chère clinique. Et aussi, n'oublions pas de rendre hommage au personnel dévoué de cet établissement, qui nous est tant utile pour parvenir à ces moments de grand bonheur comme celui que nous connaissons actuellement.
Alors, le Dr Laudrac et ses deux patientes couvrirent Franck d'un regard attendri ; puis bientôt, il ne resta plus qu'Eliane et sa tante dans la chambre mortuaire, le médecin s'étant retiré discrètement.
Il commença à marcher le long d'un couloir où se répandait une lumière blafarde, d'un pas totalement silencieux, grâce aux épaisses semelles de crêpe de ses chaussures. Mais tout n'était que silence et quiétude dans la clinique, alors qu'au dehors le vent furieux soufflait dans la forêt ; faisant se plier les arbres dans une multitude de craquements sinistres ; et drainant moult plaintes à en glacer le sang.
De chaque côté du couloir, il y avait des portes portant un numéro. Sur le passage du médecin, chacune d'elles s'ouvrit, pour laisser très vite apparaître la face livide d'une femme ou d'un homme grimaçant un sourire.
– Attention, le jour va bientôt se lever, regagnez vite vos lits, conseilla le Dr Laudrac à ses patients, d'un ton bienveillant, tout en continuant sa marche paisible et silencieuse.
FIN
La sorcière de Narbonne
Il y avait jadis, à Narbonne, une très jolie fille qui habitait seule au lieu-dit "Les Tuileries", non loin de la porte de Perpignan. Elle était si jolie que plus d'un prétendant avait essayé, en vain, de la demander en mariage. Cependant, elle avait toujours refusé, prétextant qu'à 20 ans, elle était trop jeune pour des épousailles.
Mais un jour, elle rencontra un beau jeune homme, riche de surcroît, qui venait juste de s'installer, avec sa famille, à Narbonne.
Les deux jouvenceaux se plurent immédiatement, s'aimèrent et se marièrent. Les premiers temps, leur bonheur semblait sans faille et nos deux tourtereaux rayonnaient d'amour.
Quelques temps plus tard, une nuit, le marié se réveilla et s'étonna de ne pas voir sa femme dans le lit conjugal. Lorsqu'elle réapparut, il lui demanda :
- Où es-tu allée ?
- Je suis somnambule : je me lève souvent sans le savoir et je me retrouve parfois en pleine campagne.
La nuit suivante, le marié se réveilla à nouveau et constata que sa femme avait encore disparu. Il devint alors méfiant et comme, dans les jours qui suivirent, il souffrit d'une forte migraine, il suspecta sa femme de lui faire boire quelques breuvages, dans le but de l'endormir profondément.
Il remarqua que son épouse, quoique bien portante, se contentait d'un simple verre d'eau au cours des repas. A chacunes de ses tentatives pour la faire manger, elle répondait :
- Je n'ai pas faim.
- Mais comment fais-tu pour ne pas maigrir tout en ne mangeant pas ?
- C'est ma corpulence, disait-elle, le peu de nourriture que j'avale me profite !
Devenant de plus en plus méfiant, le mari décida, le soir suivant, de ne rien avaler ni boire. Au cours du repas, dès qu'elle eut le dos tourné, il vida son verre de vin par terre et jetta son repas dans la cheminée.
Puis, prétextant une grosse fatigue, il invita sa femme à aller se coucher. Il se mit à ronfler si fort que sa femme pensa qu'il s'était plongé dans un profond sommeil et qu'elle pouvait enfin partir. Elle se mit à califourchon sur le balai de la cuisine et prononça ces étranges parole : Le balai commença à s'élever dans les airs, au grand effroi du mari qui surveillait la scène du coin de l'oeil. A peine avait-elle franchi la porte, qu'il enfila son caleçon et entreprit de la suivre. La direction qu'elle prit mena notre homme vers le cimetière tout proche.
« Pied sur feuille, passe par la cheminée ! ».
Arrivé sur les lieux, il se dissimula derrière les buissons pour observer la scène effroyable qui se déroulait devant lui : une vingtaine de sorcières dansaient autour d'une tombe fraichement creusée. D'autres se disputaient les membres du défunt qu'elles venaient de faire bouillir dans leur chaudron.
Terrorisé mais aussi le cœur brisé, notre homme décida de retourner chez lui et d'attendre le retour de sa femme. Il se coucha et, trois heures plus tard, sa femme revint en se glissant discrètement dans le lit. Il réussit à contenir sa rage tout le jour suivant mais, le soir venu, il ne put retenir sa colère quand elle refusa à nouveau de manger :
- Ah coquine ! hier soir je t'ai suivi jusqu'au cimetière et je sais à présent qui tu es vraiment !
La sorcière, imperturbable, le fixa d'un regard noir et répondit :
- Ainsi tu m'as vu; tu as vu ce qu'aucun mortel n'a le droit de voir mais dès à présent, tu ne me verras plus jamais avec le regard d'un homme !
Elle prononça sur lui quelques paroles magiques et aussitôt notre pauvre homme fut transformé en chien ! Puis elle prit le balai et chassa notre malheureux hors de la maison.
«Quel malheur d'avoir épousé une sorcière; me voilà dans le plus pitoyable des états !», pensa t-il. Il courrut vers la maison des voisins, vers les gens qu'il connaissait, mais à chaque fois, il se faisait repousser.
- Va-t'en chien errant, va porter tes puces ailleurs, on n'a pas besoin de toi ! disaient-ils.
Pendant plusieurs jours il se mit donc à errer ici et là, tentant de trouver de quoi se remplir le ventre. Mais chaque fois qu'il trouvait un os à ronger, d'autres chiens, plus aguerris, lui tombaient dessus, lui dérobant le précieux repas. Affamé, épuisé et déprimé il déambulait dans les rues de la ville quand une boulangère le remarqua :
- Quel joli petit chien ! tu me serais bien utile pour garder ma boulangerie ! veux-tu venir avec moi ? je vais te donner quelque chose à grignoter.
Evidemment il ne se fit pas prier et, la queue frétillante, se mit à suivre cette brave femme. Elle lui donna à manger, le lava et l'installa devant la cheminée où il put enfin dormir paisiblement.
Le lendemain, reconnaissant, il mit tout en œuvre pour aider la gentille boulangère : il faisait tout ce qu'on lui demandait, ouvrait et fermait la porte aux clients, surveillait les éventuels voleurs et leur grognait quand cela s'avérait nécessaire. Grâce à son ouie devenue très fine, il était capable de reconnaître les fausses pièces des vraies rien qu'en les entendant tinter. De nombreuses fois, il avait déjoué les plans de petits malins qui essayaient de couilloner sa maîtresse.
Cette particularité vint un jour aux oreilles d'une vieille femme qui avait la réputation d'être guérisseuse. Elle se présenta à la boulangerie et, voyant l'habileté du chien s'exclama :
« Mais ce chien est humain ! il ne peut en être autrement : on a du lui jeter un sort ! ».
Ceci dit, elle sortit de dessous ses jupons une fiole contenant un liquide étrange et en aspergea notre canidé de la tête à la queue. Aussitôt le chien redevint homme et embrassa longuement la vieille femme ainsi que sa bienfaitrice. Les effusions passées, il raconta en détail son histoire et comment il avait été transformé.
- A présent, tu dois faire très attention, dit la vieille femme, si ton épouse se rend compte que tu es redevenu humain, elle peut te transformer à nouveau. Imagines qu'elle te change en crapaud ou en vers luisant ! Prends cette fiole et gardes-la sur toi. Dès que tu verras ta femme, lances son contenu sur elle, sans perdre de temps, et ce coup-ci, se sera toi qui la changera en bête. Tu n'auras qu'à prononcer le nom de l'animal que tu souhaites.
Notre homme remercia encore longuement ses deux amies et, un peu avant minuit, retourna chez lui. Il se dissimula derrière la porte d'entrée pour surprendre sa femme à son retour du sabbat. Quand celle-ci arriva, elle eut à peine le temps de franchir le seuil que déjà elle était aspergée du liquide magique.
- Que tu sois cavale ! dit l'homme.
Aussitôt dit aussitôt fait : le femme se transforma en jument. Notre homme prit un fouet et lui donna une volée de coups si forts que la jument n'eut plus la force de partir. Le lendemain, il vendit la bête au "poubellaïre" de la ville et, depuis, c'est elle qui en ramasse les ordures.
FIN

Petit Jean
La mère Bouillaud, du Fretay, en Pancé, me disait un jour : « Tout est bien changé chez nous, depuis quelques années. Autrefois, Petit Jean était notre ami ; s’il promenait nos chevaux au clair de lune il les soignait ben. Le matin, ils étaient lavés, étrillés, le crin tressé. Tandis qu’aujourd’hui, à l’exception de celui qu’il aime, les autres sont maigres comme des coucous et n’ont plus de courage. Il les fait galoper tout le long des nuits et les rend fourbus. Autrefois, quand j’allais à la messe, c’était lui qui attisait le feu pour faire bouillir la soupe, et souvent, en rentrant, je trouvais mon ménage fait, mes meubles frottés, ma batterie de cuisine brillante comme le soleil.
« Ah ! oui, tout est ben changé ! A cette heure il tête nos vaches, met le cidre à couler dans les celliers, saigne les poulets, éparpille le grain dans les greniers et, avec cela le gredin, pourvu qu’il ne m’entende pas, nous joue des tours à nous faire mourir de honte ! »
— Mais il doit y avoir un motif pour qu’il ait ainsi changé. Que lui avez-vous fait ?
— Ah ! voilà : il y a environ six ans ; c’était, si j’ai bonne mémoire, le dimanche de la Chandeleur ; le valet de ferme était à l’enterrement de sa mère, et notre homme alla coucher à sa place dans l’écurie pour veiller sur les chevaux.
Le lit est accroché au mur, à une certaine hauteur, et, pour y monter, il faut se servir de l’échelle qui conduit au grenier où l’on ramasse le foin.
Le bourgeois fut donc pour prendre l’échelle, lorsqu’il vit sur un des barreaux un gros chat qui dormait. Il eut le malheur de saisir un fouet qui se trouvait à sa portée et de lui en allonger deux ou trois coups sur les reins en criant : « Au chat ! au chat !
Le lendemain, le valet n’étant pas de retour, notre homme coucha encore dans l’écurie. Quand il eut ôté ses vêtements, et qu’il ne lui resta plus que sa chemise sur le corps, il reçut deux vigoureux coups de fouet sous les jarrets et il entendit en même temps quelqu’un qui criait : « Au chat ! au chat ! » Il en eut presqu’une faiblesse, se fourra vivement sous les couvertures où il trembla de peur jusqu’au matin.
— Eh bien ! Puisque Petit Jean a rendu la correction qui lui avait été donnée, il devrait bien vous laisser tranquilles. — Nenni ben sûr ! Il nous fait mourir de honte, j’vous dis. — Mais comment cela ? — J’mariimes notre fille v’la deux ans. Quand elle se rendit au marché de Bain pour acheter ses hardes, elle trouva sur la route un bel écheveau de soie noire, « Bonne trouvaille, dit-elle, cette soie servira à coudre ma robe de noce. » Elle la donna à sa couturière qui en eut assez pour coudre la robe et le cotillon, et qui déclara n’avoir jamais eu de soie meilleure et plus solide. Le jour de la noce, en sortant de l’église, au milieu du bourg, v’la la robe et le cotillon de la mariée qui tombent en morceaux. La soie avait fondu et notre pauvre fille se trouvait en chemise devant tout le monde. J’en rougis encore, rien que d’y penser. Croiriez-vous que les invités eux-mêmes riaient à se tenir les côtes ? Je les aurais ben battus ! Les étrangers, les gamins, passe encore, mais les invités, je ne leur pardonnerai jamais ça. Ma pauvre fille se sauva en pleurant, chez une amie qui lui faufila sa robe, et nous revînmes à la ferme ben attristés d’un pareil affront ! » Aux vacances suivantes, je retournai visiter les ruines du château du Fretay, et j’allai, selon mon habitude, dire bonjour à la mère Bouillaud. Après avoir causé avec elle pendant un instant, je lui dis tout bas dans l’oreille : « Et Petit Jean que devient-il ? » À mon grand étonnement la figure de la bonne femme s’illumina et elle me répondit : « Nous en sommes débarrassés, Dieu merci ! » — Comment avez-vous fait ? Elle me prit par la main, m’obligea à m’asseoir et me fit le récit suivant : « Une nuit, notre garçon d’écurie fut réveillé par un bruit de porte qui s’ouvrait et se refermait. Il mit la tête hors du lit, et, à la clarté de la lune, vit un petit nain, pas plus gros qu’un lièvre qui attachait un cheval au râtelier. La pauvre bête était couverte de sueur et d’écume ; mais son cavalier l’essuya, l’étrilla, la lava, s’en fut prendre dans un coffre un picotin d’avoine qu’il mit devant elle dans la mangeoire, puis le nain prit tout le foin des autres chevaux et le porta à son préféré. « Quand celui-ci fut bien soigné, Petit Jean car c’était lui, se changea en grillon, et s’en alla par le trou de la serrure. « Je te pincerai, dit notre valet, qui n’est point bête. « En effet, le lendemain soir, il introduisit dans la serrure des graîtes, c’est-à-dire de la poussière de lin broyé, qui est comme vous savez d’une finesse extrême. « Quand Petit Jean, toujours sous la forme d’un grillon, voulut pénétrer dans l’écurie pour aller faire sa promenade à cheval, il jeta par terre des milliers de graîtes qu’il fut obligé de ramasser, car c’est là la punition des lutins. Il y passa la nuit en trépignant de rage, et ne put pas en venir à bout avant le premier chant du coq. Depuis ce moment il a quitté la ferme. »
— Où est-il allé ? — Au village du Bignon-Gémier. — Et là que fait-il ? — Des tours pendables. Écoutez plutôt : « Désirée Hurel revenait d’en champ, avec ses vaches, lorsqu’elle trouva, en traversant une pâture, un peloton de laine. Elle le ramassa, ben contente, en disant : « J’ai là de quoi faire une bonne paire de bas pour cet hiver. » « Tout le long du chemin elle regardait son peloton qui, chose étonnante, grossissait grossissait, et devenait plus lourd. En arrivant au Bignon-Gémier, le peloton pesait plus de cinq livres. « Elle le déposa sur un bout de table, et un instant après, quand elle fut pour le reprendre, elle mit la main sur un gros chat qui riait de l’air effaré de la jeune fille.
« Désirée poussa un cri, les voisins accoururent, mais le chat avait disparu, et le peloton de laine aussi.» FIN
La bête du château
Le château de la Lohière, en Loutehel, dans l’arrondissement de Redon, possédait autrefois quatre grandes tours munies de moulins à grains. Entouré de fortifications, de bois, d’étangs et de deux larges douves, avec pont-levis, ce château était réputé imprenable.
Une fois cependant, il faillit tomber entre les mains des assiégeants : l’ennemi avait gagné l’un des gardes de la Lohière, et lui avait fait promettre de placer une lanterne, sur le faîte de la plus haute tour.
Le soir indiqué, le garde, rongé de remords pour sa trahison, eut recours à un stratagème qui eut plein succès : il alluma la lanterne, mais au lieu de la mettre à la place convenue il la hissa au haut d’un grand alizier qui reçut tous les coups. Quand le flambeau fut éteint, les agresseurs, croyant être maîtres du château, se disposaient à y entrer, lorsque, tout à coup, les assiégés les attaquèrent par dernière et les jetèrent dans les étangs.
Plus tard, la Lohière fut possédée par Mlle Jeannette de la Piphardière, une belle fille dans son temps, paraît-il, mais aussi méchante qu’elle était jolie.
Jeannette s’en allait toujours escortée de deux chiens, grands comme des génisses, qu’elle excitait et lançait sur les personnes qui lui déplaisaient et qui ne tardaient pas à être dévorées par les molosses.
Les étrangers ou les malheureux qui se permettaient d’entrer au château sans la permission de Mlle de la Piphardière ne reparaissaient plus dans le pays. Ils étaient ou mangés par les chiens ou jetés dans les étangs quand les animaux étaient repus.
Cette femme était, en un mot, la terreur de la contrée.
A une lieue de la Lohière se trouvait le château de Querbiquet, habité par une autre demoiselle de la Piphardière, sœur de la précédente, mais qui était, elle, une véritable sainte. On eût dit qu’elle avait été créée et mise au monde pour racheter les fautes de sa sœur.
La châtelaine de Querbiquet invita, un jour, la belle Jeannette à dîner chez elle. Celle-ci s’y rendit emmenant avec elle nombreuse et brillante société ; mais lorsqu’elle vit que les invités de Querbiquet étaient les pauvres du pays, elle entra dans une colère extrême, injuria sa sœur et partit précipitamment en jurant de ne jamais la revoir.
Fort heureusement pour les convives déguenillés, Jeannette avait laissé ses chiens à la maison.
A quelque temps de là, la méchante fille mourut à la grande satisfaction de tous ; mais comme sa vie avait été trop courte pour faire le mal, qu’elle avait projeté, elle continua longtemps, après sa mort, à faire de là misère au pauvre monde.
Elle est revenue pendant des siècles sous toutes les formes d’animaux.
Un charretier allait-il chercher son cheval à la pâture, aussitôt qu’il l’avait enfourché, la bête partait à fond de train vers l’étang du Loup-Borgnard dans lequel elle se précipitait et disparaissait. Aucun obstacle ne pouvait l’arrêter. On la voyait bientôt reparaître sur la rive opposée en riant aux éclats, pendant que le cavalier se noyait s’il ne savait nager.
Cet étang du Loup-Borgnard, qui existe toujours, est, dit-on, sans fond. Un pauvre diable qui y avait été jeté par Jeannette de la Piphardière y resta trois jours. Il y rencontra des monstres affreux qui le poursuivirent jusque sous le bourg de Loutehel. Ce ne fut que le soir du troisième jour qu’il put leur échapper, et qu’il revint à la surface du lac. Lorsqu’un pâtre allait chercher ses bêtes aux champs, il devait prendre de grandes précautions pour les ramener sans les frapper, car s’il avait le malheur de toucher du fouet ou de la gaule la bête de la Lohière, cachée sous la peau de l’un de ces animaux, elle le rouait de coups et le laissait gisant par terre mort ou évanoui. Les charretiers et les pâtres n’étaient pas seuls à rencontrer Jeannette ; toutes les personnes voyageant la nuit étaient exposées à la voir tantôt sous une forme, tantôt sous une autre. Un soir, Moinard, le sacristain de Lou tehel, trouva dans le bourg, près du cimetière entourant l’église, un mouton qui lui barra le passage. Las de pousser inutilement devant lui cet animal qui s’obstinait à rester en place, le sacristain lui asséna un coup de bâton sur le dos. Mal lui en prit : le mouton, qui semblait tout petit, s’allongea soudain, grossit à vue d’œil, s’élança sur l’homme, lui posa les pieds de devant sur les épaules en cherchant à l’écraser de son poids qui devenait de plus en plus lourd.
« C’est la Piphardière », pensa Moinard, et comme il avait entendu dire qu’elle n’avait plus aucun pouvoir dans le cimetière, à cause de la sainteté du lieu, il s’en approcha insensiblement, et parvint bientôt à franchir la pierre qui l’en séparait. En effet le mouton s’enfuit ; mais chaque fois que le sacristain cherchait à sortir, soit d’un côté, soit d’un autre, il rencontrait toujours le bélier qui lui montrait ses cornes. Force lui fut de passer la nuit au milieu des tombes. Jeannette se promenait aussi souvent dans les appartements du château de la Lohière, où elle éteignait les lumières, enlevait les couvertures des lits, jetait les dormeurs par terre, ou frappait ceux qui, le jour, s’étaient moqués d’elle. Il y avait cependant un moyen d’éviter ses maléfices, et, pour cela, il suffisait de lui adresser des compliments. Elle était sensible aux louanges. Si, au lieu de l’injurier, on lui disait bien gentiment : « Te voilà, belle Jeannette, laisse-moi, ne me fais pas de mal, je t’aime bien, je suis ton ami, etc. » ; alors elle s’en allait tranquillement, ou même s’employait à votre service si vous en aviez besoin. Sa rage est aujourd’hui assouvie. On n’entend plus parler d’elle, il n’y a guère que les ivrognes, revenant des foires et des marchés, qui affirment l’avoir rencontrée. Mais les habitants de Loutehel, et même de tout le canton de Maure, vous déclareront, quand vous voudrez, que leurs pères ou grands-pères ont été maltraités par la bête de la Lohière, il n’y a pas plus de cinquante ans. FIN
Payel le lutin 
A Bourg-des-Comptes, où il est appelé Payel, Maître-Jean est accusé d’avoir tué un homme. Cette accusation nous étonne, car c’est le seul crime qu’on lui reproche. Voici d’ailleurs ce qu’on nous a raconté :
A mi-côte du chemin étroit et tortueux qui descend de Bourg-des-Comptes au gracieux village de la Courbe, situé sur le bord de la Vilaine, on rencontre une sorte de carrefour appelé dans le pays : Les Trois Barrières. Cet endroit, au premier abord, n’a rien de mystérieux. Les trois barrières n’inspirent pas la moindre défiance : l’une est à gauche et les deux autres à droite de la route.
Le jour, les moins braves y vont sans crainte, mais la nuit, quand les troncs des vieux chênes prennent des aspects fantastiques, quand on entend le gémissement du vent dans les sapins du bois des Rondins, ou le bruit lugubre de la rivière, tombant d’un bief dans l’autre, par-dessus la chaussée, les plus braves ont peur.
Les filles du bourg ou du village ne passent qu’en tremblant, et les gars pressent le pas, sifflent un air de noce ou entonnent une chanson de conscrit pour se donner du cœur c’est que les trois barrières, voyez-vous, n’ont pas bonne renommée, tant s’en faut !
— Pourquoi ?
— Ah ! pourquoi ?
Parce que c’est l’endroit choisi par Payel pour jouer des tours au pauvre monde.
Si vous voyez, vers minuit, sur un talus ou dans un creux de fossé, une bête blanche, chien ou chat (on n’est pas bien sûr), qui vous regarde fixement avec des yeux de feu qui vous font froid dans le dos, méfiez-vous, c’est Payel. On ignore qui il est, et d’où il vient. Les uns pensent que c’est le diable qui prend cette forme pour tourmenter les gens (ça se pourrait ben, le gars n’est point gauche et il en est ben capable). Les autres croient que c’est une espèce de mauvais génie, d’esprit malfaisant, une manière de sorcier. Un homme du village de la Courbe, qui était venu travailler à Bourg-des-Comptes, retournait chez lui, sa journée faite, quand par malheur, il rencontra Payel aux trois barrières. Le failli chien se jeta sur lui, l’étrangla et l’emporta. Le lendemain on vit des traces de lutte, et un chat gris pendu à un pommier. Quant au pauvre homme, on n’en entendit plus jamais parler. D’autres assurent qu’on retrouva auprès d’une des barrières, son chapeau et ses sabots.
Ces choses-là ne sont point faites pour vous rassurer. Heureusement que Payel n’est pas toujours aussi méchant. Il peut arriver même qu’il vous laisse aller tranquillement en se contentant de vous regarder d’une façon inquiétante à travers les feuilles. Mais plus souvent il commence par vous faire quelques niches. Il vous fait buter contre un caillou, ou vous jette votre chapeau à terre,et vous tire les cheveux quand vous passez sous une branche. Oh ! ne vous rebiffez pas ! Oh ! ne vous mettez pas en colère contre lui ; n’essayez même pas de l’intimider par des gestes ou des menaces ; ne l’insultez pas et, surtout, n’allez pas l’appeler Payel, ou malheur à vous. 11 se jettera dans vos jambes, vous fera tomber, vous cognera contre les arbres, vous entortillera dans les ronces et vous choquera la tête contre les pierres du chemin. Il n’y a qu’un moyen de lui plaire ; mais il y en a un. Le croirait-on ? Il est sensible à la flatterie. Si jamais vous le rencontrez sur votre chemin, une nuit que vous vous serez attardé, ne vous effrayé pas, ne faites pas le Monsieur, tirez-lui ben joliment vot’bounet ou vot’chapiau, et dites-lui, poliment, de votre plus douce voix : « Bonjour Jeannette. Oh ! que tu es gentille ! viens ma belle Jeannette. » Cela lui suffit, il ne vous en demande pas davantage. Appelez-le Jeannette et il est heureux. Quand vous lui aurez donné ce nom qu’il aime, vous pourrez errer sans crainte, et rester par les chemins à toute heure de jour et de nuit.
Aujourd’hui les jeunes gens se font gloire de ne plus croire ce que disent les vieux, mais combien y en a-t-il, à la Courbe, gars et filles, de ceux qui font les braves à midi, et rient de tout ce qu’on voit dans les ténèbres, qui ne passeraient pas, à minuit, aux trois barrières, sans trembler comme des feuilles de peuplier. FIN